Vous avez dormi trop longtemps, vous vous réveillez en 2100

On est lundi, 7h50. Vous descendez acheter votre journal, et la tout a changé.
Le Flip !
Je traite ca ce soir.

Bon en fait demain

Lundi 7h50 merde j'ai trop dormi vais arriver en retard au boulot.
L'appart est gris de poussière, y a plus d'eau courante, je sens que j'ai dû faire une bêtise.
Par la fenêtre je zyeute et vois une sorte de translucide tramway protéiforme qui file silencieusement au-dessus d'une troupe de rats énervés.
J'ai pourtant guère bu la veille, et jamais eu la chance d'avoir pareille hallucination moi.
Je dégringole l'escalier, enfin le voudrais, mes jambes cotonneuses ont du mal à porter mon corps engourdi et déséquilibré. Bizarre, ça se trouve hier j'ai fait un trou noir.
Le hall est saturé d'immondices, un mastard de surmulot me saute au bas-ventre prêt à m'émasculer,
je n'ai que le temps de l'assommer d'une poigne tremblante.
Mû par je ne sais quel instinct ou curiosité malvenue je tire la porte menant au dehors, plutôt que retourner m'avachir et me réfugier dans l'inconscient moelleux du sommeil.
Je titube dans l'avenue.
Des immeubles ont poussé, d'autres disparu, ceux qui demeurent sont si délabrés que je doute les reconnaître.
Pas de passant, personne.
Comment savoir...
J'ai d'un coup ce vide qui me happe la poitrine, estomac et cœur se mélangent à travers le diaphragme,
je pense à mes filles, à celles qui sont ma vie.
Où sont-elles bordel !
Si je ne rêvais pas !
Devant une construction de béton noir et d'impavide morgue mes yeux se laissent aller à déchiffrer le nom du prétendu architecte et la date d'élévation. 2096...

2096...
Tout est fini.
Ma vie d'avant avait si peu de sens, ici et maintenant désormais plus aucun.
Aller salut je sais quoi faire.

C'est étrange, la rue est bien silencieuse ce matin, se dit il en se levant.
Jean Demonge est un homme de 40 ans, ne le 24 février 1960. Il vit seul depuis son divorce tres contentieux. Annette et lui ont fini par trouver un accord. Ses parents sont décédés il y a dix ans dans un accident de la route. Hormis quelques relations professionnelles qu'il fréquente épisodiquement, Jean Demonge est un homme seul.
Intrigué par l'absence des bruits des moteurs et Klaxons fous, notre sujet revêt le pantalon porté la veille, et se dirige vers la fenêtre unique de son studio, situé au quatrième étage d'un immeuble de gout, dans un quartier chic de New-York.
Il constate que l'enseigne du magasin du vieil immeuble voisin a disparu, que chaque fenêtre et acces ont été murées.
Est-il possible que la ville ait fait cela en une nuit? Et pourquoi avoir condamné cet endroit si vivant ? C'est vraiment curieux. Puis il ne me semblait pas que la pierre du bâtiment ait été en si mauvais etat .
Je suis probablement en train de me réveiller, je me sens confus- se dit il en se passant énergiquement la main dans les cheveux.
À la hâte, il finit de s'habiller. Il doit comprendre. Il arriverait en retard à son travail et expliquerait son malaise à son supérieur, voilà tout.
Il dévale les escaliers de son immeuble,  la porte claque derrière lui.
Il sent alors, sur ce bout de trottoir, la folie qui l'envahit. Chancelant il tourne sur lui même, il tente de reconnaître les voitures, les enseignes, les vêtements. Il se demande s'il est vivant ou mort. Sur un panneau lumineux il distingue l'annonce suivante : "comme autrefois : spectacle non transhumain salle burdigala le samedi 21 février 2099 à 20h30."
Une femme passe devant lui. Il l'interpelle, en etat de choc , il veut connaître la date , qu'elle est donc la fichue date d'aujourd'hui !
Non sans peine, il s'entend articuler la question.
"Nous sommes le 19 février, monsieur, répond-elle la jeune femme brune avec un ton des plus aimables"
"Ha, 19 février...mais en quelle année sommes nous, le panneau publicitaire annonce n'importe quoi, louer un emplacement pour afficher pareilles âneries c'est..."
L'entièreté de son corps se met à trembler quand elle lui repond :
-Mais de quoi parlez-vous? Nous sommes en 2099! Dernière année avant le siècle prochain. Il se sent pâlir, ce doit bien être le cas car il entend vaguement la passante le questionner.
-Monsieur ? Tout va bien?
- oui, je ... oui, merci. Il tente de sourire et s'éloigne.
Je deviens fou, mais qu'est ce qu'il m'arrive. Il s'accroupit sur le trottoir et se met à pleurer comme un enfant perdu. Il pense à ses parents, a qui il est. Ses souvenirs sont pourtant clairs et intacts.
Un homme lui pose une main sur l'épaule et lui demande avec chaleur :
- monsieur? Je peux vous aider?
Jean Demonge, hagard, perçoit la silhouette, se redresse et s'éloigne en titubant sans repondre.


2099... il déambule dans la rue, les moteurs des véhicules ne font pas plus de bruit qu'un vélo. Il remarque que la place attribuée au chauffeur est occupée par un passager, ceux co boivent leur café , lisent sur un écran lumineux ou dorment encore, mais aucun ne conduit. Les voitures sont toutes à meme distance les unes des autres, elles se déplacent en un ballet fluide et silencieux.

Une seule idée obsédée notre homme . Il ne cesse de se répéter qu'il est ne en 1960.
- J'aurais donc 139 ans? Mais enfin ca ne correspond à rien, je dois fêter mes 40 ans dans 5 jours.

Ce que Monsieur Demonge ignore, c'est qu'il est un oublié du temps. Il est coincé pour une éternité dans cet espace temps.Les cinq jours précédents ses 40 ans.
Il n'en garde jamais le souvenir mais il se réveille souvent le 19 février, et on ne sait jamais en quelle année. Condamné à la solitude, aux souvenirs restreints, aux angoisses, l'éternité se paie au prix fort.

Je me sens comme un 39 tonnes et ma tête fait bonne concurrence à la station Mir. Dieu ait son âme. Quelle heure est-il ? Mais où est mon réveil d'abord. Ce coquin de chat l'a encore fait tomber ? Vizir tu te caches où ? Étonnant que tu n'aies pas encore réclamé tes croquettes dis donc ? Allez j'arrête ma logorrhée et je me bouge. Quelle molaire je fais : j'ai l'impression de me déraciner du lit. Et d'ailleurs c'est quoi ce lit, Il est tout déglingué  alors je que viens juste de l’étrenner ? Je la sens décidément très mal cette journée. Il me faut un café  au plus vite.

Putain, je ne reconnais plus rien là, ce mur tout dégueulasse et cette moisissure partout qui empeste le rat mort.
Les copains m'ont fait une farce ou quoi ? Et c'est quoi ce bruit qui m'arrache les oreilles ? Bon je m'habille et je sors respirer car ici je n'en peux plus. De l'air frais vite. J'ai dû dormir une éternité.  
- "Bonjour veuillez clipser votre ide s'il vous plaît".
- Hein ?
je répète, veuillez clipser votre ide s'il vous plaît".

Qui me cause là ? Je ne distingue pas âme qui vive. Ce bruit agaçant qui me scie les oreilles va me rendre folle ?.. Hé mais c'est quoi ce petit truc qui me toise, on dirait une mouche. Mais c'en n'est pas une, on croirait voir un petit drone fichtrement bien fait, fin, léger et subtilement sophistiqué. C'est lui qui me fait causette ?
- Je vais devoir appliquer la procédure de décharge, veuillez clisper votre ide immédiatement s'il vous plait".
- pardon mais je, vous allez rire, mais je ne comprends rien de ce que vous dites.
- Do you want to select another language ?
Voila que la mouche me cause en anglais maintenant. Elle sait l'araméen aussi ? Allons que je cesse ce petit rire nerveux je crois que ça l'énerve.
- Bon euh vous voulez quoi là ? J'ai pas de clipse ni de ide là....
- vous confirmez ne plus avoir votre ide en votre possession  ?
oui je confirme.
Veuillez tendre vers le cercle que voici votre main droite s'il vous plaît, il ne vous sera fait aucun mal.
Ce rêve est un cauchemar je suis dans un lieu qui ne me dit rien et des gens drôlement habillés ne cessent de me regarder, l'un d'eux  s'est  même esclaffé « 'c'est carnaval aujourd'hui ? ». Vous vous êtes vus avec vos collants mauves et vos pulls qui changent de couleur ?  « Encore un Side ! » a lancé un autre. Comment il fait ce cercle rouge pour rester suspendu comme ça  dans le vide ?
- votre main droite s'il vous plaît dans le cercle.
Un homme s'approche de moi, jeune il me sourit. Son visage très lisse ne m'inspire pas trop. Que me veut-il ? Je suis nue pied et je n'ai même pas froid, le sol est même chaud, je ne comprends pas. Il est translucide et plastique. Les murs tout autour de moi sont blancs et verts.  La flore abonde ici, dans cette rue habituellement grise. Ma voiture où est-elle ? C'est le gros tourbillon et on me tance pour que je mette ma main dans un cercle rouge qui danse la gigue sous mes yeux ?
L'homme sans violence a saisi ma main pour la porter au niveau du cercle et l'y introduire. Je ne résiste même pas.  Quand soudain, je vois le visage se transformer en un magnifique écran plat avec des données qui s'affichent à la vitesse d'un V2. Le drone a disparu et je demeure prostrée en face d'un écran souple et fin qui imite à merveille la peau humaine. En une seconde je comprends l'incompréhensible. En Arial 14 s'affiche en effet la date du jour : 19 février 2100.
Je n'avais pas vu le ciel encore donc je le regarde. Il est blanc comme mort parsemé de petits points lumineux qui clignotent : des drones probablement.  Mais comme je commence à devenir folle je songe aux ciels jaunes de Van Gogh.

Je regarde les gens. Ils sont mon futur. Ils me regardent sans se douter qu'ils contemplent le passé que j’incarne désormais.  Comme on observe les étoiles la nuit, je suis le passé et tous les miens ne sont plus. Je voudrais les rejoindre, mais étant là je décide de devenir la petite sœur de Zazie égarée au pays des Houyhnhnms chers à Jonathan Swift.

Tres sympa ton récit izo. Humour, plein d'images qui m'ont fait sourire. On est dans l'histoire, un tres bon moment.
Merci.

Uccen, idem j'ai bien suivi la projection, de ta personne dans ce futur désert.
Merci également.

Je voulais juste dire qu'alors je voudrais crever, j'ai dû mettre trois lignes avant pour l'annoncer.

Ouais ouais c'est ça,
c'est surtout je vais pas pinailler à m'triturer un poussif chancre imaginatif (que j'ai pas) et choisir mots sonnants et très bûchants
quand seule la fumisterie me guide.