Littérature Russe
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Littérature Russe
Anton Tchekhov
Léon Tolstoï
Fiodor Dostoïevski
Nicolas Gogol
Ivan Tourgueniev
Alexandre Pouchkine
Ivan Gontcharov
Vladimir Nabokov
Mikhaïl Boulgakov
- Critique & Extraits:
- Critique:
- Le chantre de la désespérance " écrivait Léon Chestov et il ajoutait " Il a tué les espoirs humains 25 ans durant; avec une morne obstination il n'a fait que cela ". Que reste-t-il lorsque le voile des illusions s'est déchiré ? Le vide, le tragique dérisoire du néant.
Les pièces de Tchekhov se déroulent dans le cadre de la province, une province morne et routinière, où les seuls événements sont le défilé de la garnison, les conversations plus ou moins médisantes autour d'un samovar, le passage du docteur ou de l'inspecteur des impôts, une province qui ressemblerait à une eau morte, que trouble un instant, comme le jet d'une pierre un événement inopiné ; quelques rides à peine, et la vie reprend. Mais, souterrainement, tout se défait dans la dérive de la vie et l'usure du temps.
Tous ces personnages, comme les mouettes, errent sans but, battent désespérément des ailes, s'épuisent en de vaines paroles et meurent de leur impuissance, abattus par quelques chasseurs. Les uns se résignent par lassitude et indifférence ; ils reprennent une vie fastidieuse auprès d'une femme qu'ils ont cessé d'aimer, d'autres mettent fin à leurs jours. " Les personnages de Tchekhov ont tous peur de la lumière, tous ils sont des solitaires. Ils ont honte de leur désespérance et savent que les hommes ne peuvent leur venir en aide ". (Chestov).
Les hommes sont murés, prisonniers dans leur " étui " comme dans leur cercueil ; leurs mains, leurs bras n'étreignent que le vide. Philosophie du désespoir, de l'absurde qui fait conclure Tchekhov " Il fait froid, froid, froid. C'est désert, désert, désert " (la Mouette).
http://www.dlptheatre.net/info/Tchekhov/anton_tchekhov.htm
- Extraits:
Il me semble que vous devriez comprendre que ce qui perd le monde, ce ne sont pas les bandits, ni les guerres, mais les haines, les inimitiés, toutes ces petites querelles sordides...
Extrait de Oncle Vania
Je suis une mouette. Non, ce n'est pas ça... Vous vous souvenez, vous avez tiré une mouette ? Survient un homme, il la voit, et, pour passer le temps, il la détruit... Un sujet de petite nouvelle... Ce n'est pas ça... (Elle se passe la main sur le front.) De quoi est-ce que je ?... Je parle de la scène. Maintenant, je ne suis déjà plus... Je suis déjà une véritable actrice, je joue avec bonheur, avec exaltation, la scène m'enivre et je me sens éblouissante. Et maintenant, depuis que je suis ici, je sors tout le temps marcher, je marche et je réfléchis, je réfléchis et je sens que, de jour en jour, mes forces spirituelles grandissent...
Extrait de la Mouette
Léon Tolstoï
- Critique & Extraits:
- Critique:
- Zola qualifie Tolstoï d’« analyste puissant, de profond psychologue(1) », Flaubert – si facile à émouvoir ! – avoue avoir poussé « des cris d’admiration en lisant les deux premiers volumes de Guerre et Paix […], c’est sublime et plein de choses à la Shakespeare(2) »,Tourgueniev encense son compatriote : « La manière dont le comte Tolstoï traite son sujet est aussi originale que nouvelle ; ce n’est du Walter Scott ni, je n’ai guère besoin de l’ajouter, de l’Alexandre Dumas », allant jusqu’à craindre que sa profonde originalité ne nuise, « par sa force même, à une compréhension sympathique et rapide de la part du lecteur étranger(3) », Lénine s’enflamme : « Un génie unique, dont aucun pays ne possède l’équivalent » autant que Trotsky : « Il devint, à quatre-vingts ans, le symbole de la libération », et André Suarès(4) qui le prenait pour un Luther russe de surenchérir : « Il propose à la raison les mots pris dans leur sens mystique ; et il offre au cœur les mots crus de la raison » ; la liste des admirateurs est sans fin, de Julien Benda à André Maurois en passant par George Steiner(5)…
http://salon-litteraire.linternaute.com/fr/leon-tolstoi/content/1808000-biographie-leon-tolstoi-ou-du-malheur-d-etre-ne-comte
- Extraits:
Oui, l’amour (…). Mais pas cet amour qui aime pour quelque chose ou à cause de quelque chose (…). Aimer ses proches, aimer ses ennemis. Aimer tout. (…) Un être qui vous est cher, on peut l’aimer. On peut aimer d’un amour humain un être qui vous est cher, mais aimer son ennemi, c’est aimer uniquement d’un amour divin. (…) Lorsqu’on aime d’un amour humain on peut passer de l’amour à la haine ; l’amour divin, lui, ne peut changer. Rien, la mort même, rien ne peut le détruire. Il est l’essence même de l’âme.
Extrait de Guerre et Paix
Quelle malheureuse et pitoyable créature que l'homme, jeté, avec son besoin de solutions positives, dans cet océan infini et en perpétuel mouvement de faits, de considérations et de contradictions qu'est l'océan du bien et du mal ! Les gens se débattent et peinent à longueur de siècles pour mettre d'un côté le bien, et de l'autre le mal. Les siècles passent, et quoi que puisse ajouter ici ou là un esprit non prévenu sur les plateaux de la balance, elle ne bouge pas, et il y a autant de bien que de mal des deux côtés. Si seulement l'homme pouvait apprendre à ne pas juger et à ne pas penser de façon tranchée et décisive, et à ne pas donner de réponses à des questions qui ne lui sont posées que pour rester éternellement des questions ! S'il pouvait seulement comprendre que toute pensée est à la fois fausse et vraie ! Fausse parce qu'unilatérale, à cause de l'incapacité de l'homme à embrasser la vérité, et vraie par l'expression d'un aspect des aspirations humaines.
Extrait de La tempête de neige, et autres récits
Fiodor Dostoïevski
- Critique & Extraits:
- Critique:
S’il existe un romancier chez qui les termes de souffrance et de rédemption ont un sens, c’est assurément Dostoïevski. Chez lui, les thèmes du bien et du mal sont poussés à l’extrême, d’où cette impression si forte qui s’empare à chaque fois de ses lecteurs. Nul ne sort indemne de son œuvre et ce quel que soit l’âge auquel on l’aborde. Notre vie durant, ses personnages torturés continueront à peupler notre imaginaire et notre conscience.
http://salon-litteraire.linternaute.com/fr/fiodor-dosto-evski/content/1818431-dostoievski-biographie
- Extraits:
Peut-être ici aussi me prendra-t-on pour un enfant; eh bien qu'importe! Tout le monde me tient aussi pour idiot; je me demande pourquoi. J'ai en effet été malade jadis au point de ressembler à un idiot; mais en quoi suis-je un idiot à présent, puisque je comprends que l'on me considère comme tel? Lorsque j'entre quelque part, je pense : "on me prend pour un idiot, et pourtant je suis intelligent et ils ne s'en doutent même pas". J'ai souvent cette pensée.
Extrait de L' Idiot
Il est des secondes, il en vient à la fois cinq ou six, et vous sentez soudain la présence de l'éternelle harmonie, absolument atteinte. Ce n'est pas une chose terrestre ; je ne veux pas dire qu'elle soit céleste, mais que l'homme sous sa forme terrestre ne peut le supporter. Il faut se transformer physiquement ou mourir. C'est un sentiment net et incontestable. Comme si brusquement vous sentiez la nature entière et que soudain vous disiez : oui, cela est vrai. [...] C'est... ce n'est pas de l'attendrissement mais seulement comme ça, de la joie. Vous ne pardonnez rien parce qu'il n'y a plus rien à pardonner. Non que vous aimiez, oh — c'est plus haut que l'amour ! Le plus terrible est que c'est si extraordinairement net et une telle joie. Si cela dure plus de cinq secondes, l'âme n'y résistera pas et devra disparaître. En ces cinq secondes, je vis toute une vie et pour elle je donnerais toute ma vie parce que cela en vaut la peine. Pour supporter dix secondes, il faut se transformer physiquement.
Extrait de Les possédés
Nicolas Gogol
- Critique & Extraits:
- Critique:
- Ses héros sont les guerriers valeureux, les paysans superstitieux et les barbons libidineux des contes populaires. Quant à ses intrigues, elles regorgent de pactes avec le diable (La Nuit de la Saint-Jean), d'apparitions mystérieuses (Une nuit de mai) et de malédictions se répétant de génération en génération (Une terrible vengeance).
...
Barbey d'Aurevilly parlait, à propos de Gogol, du "sublime de l'ennuyeuse platitude". S'il avait raison pour le sublime, il se trompait pour la suite, car le réel le plus noir est toujours, chez l'écrivain, l'antichambre du fantastique. Comme dans Le Manteau - dont on lira ici huit traductions différentes des premières phrases -, où le spectre du héros revient pour se venger des humiliations de toute une vie. Farfelu ? Non, répondait Gogol, pour qui l'écrivain réaliste avait précisément pour mission d'explorer toutes les facettes de ce "bas monde (...) d'où la vraisemblance est bien souvent bannie".
http://www.lemonde.fr/livres/article/2010/03/11/nouvelles-completes-de-nicolas-gogol_1317503_3260.html
- Extraits:
Naturellement, de deux choses l'une : ou tu gagnes, ou tu perds. Mais c'est là toute l'affaire, dans ce risque réside toute la vertu. Tandis que ne pas risquer est à la portée de tout le monde. En étant sûr à l'avance, le moindre scribouillard aurait du courage, et le dernier des piteux s'en irait à l'attaque des forteresses.
Extrait Les joueurs
Le jour d’aujourd’hui est le jour du plus grand triomphe. Il y a un roi en Espagne. Il s’est trouvé, ce roi. C’est moi. Aujourd’hui seulement j’en ai acquis la certitude. J’ai été éclairé, je l’avoue, comme par un éclair. Mais en vérité, je ne conçois pas comment j’avais pu m’imaginer que j’étais un conseiller titulaire ; comment une si folle idée avait-elle pu m’entrer dans la tête? Il est fort heureux que personne ne se soit alors avisé de me mettre dans une maison de fous.
Extrait du journal d'un fou
Ivan Tourgueniev
- Critique & Extraits:
- Critique:
- Sa voie littéraire est définitivement tracée. Il peint la vie telle qu'elle est et choisit ses thèmes dans les problèmes d'actualité les plus brûlants. Son art répond aux exigences de chacun. Tourgueniev sait être civique sans être tendancieux, allier la vérité à la poésie et à la beauté. Ses nouvelles — citons, parmi les plus célèbres, Deux amis (1853), Un coin tranquille (1854), Jacques Pasynkov (1855), Asja (1857), Premier amour (1860) — sont des chefs-d'œuvre de fraîcheur et de poésie. Dans son premier roman, Roudine (1855), il rend hommage à l'idéalisme de la génération des années 1840, tout en montrant son impuissance dans l'action. Dans Nid de gentilshommes (1859), il dit adieu à l'ancien ordre social de la Russie et exalte sa poésie, ses profondes assises religieuses. Lisa Kalitina, digne héritière de la Tatiana de Eugène Onéguine de Pouchkine, sera considérée comme le modèle le plus achevé de la "jeune fille à la Tourgueniev", charmante, noble, pure et volontaire. Dans A la veille (1859), il essaie de peindre le portrait héroïque d'une jeune fille de la nouvelle génération, à l'aube des grandes réformes.
http://republique-des-lettres.com/tourgueniev-9782824902975.php
- Extraits:
A l’époque dont nous parlons, vivait a Moscou une veuve, princesse géorgienne - une personnalité indéfinissable et un peu inquiétante. Elle frisait la quarantaine. Dans sa jeunesse, elle devait avoir eu ce genre de beauté orientale qui se fane si vite. Maintenant elle se maquillait et se teignait les cheveux dont la blondeur artificielle tournait par endroit au jaune. Divers bruits couraient sur son compte, pas très avantageux ni très clairs et précis.
Extrait de Clara Militch
A la vue de la mort disparaissent les dernières vanités terrestres. Je sens que je m’apaise, que je deviens plus simple et plus naturel. C’est trop tard !... Chose étrange ! je m’apaise certainement, mais en même temps… je suis saisi de terreur…, de terreur, oui. A moitié penché sur l’abîme silencieux et béat, je frémis, je me détourne, je regarde autour de moi avec une attention avide. Chaque objet me devient doublement cher.
Extrait de Le journal d'un homme de trop
Alexandre Pouchkine
- Critique & Extraits:
- Critique:
- L'œuvre de Pouchkine demeure pour ses compatriotes, malgré les années, les modes qui changent, les régimes qui passent, comme l'orchestration magistrale de leurs plus chers souvenirs. Ils y retrouvent l'image éternelle de leur pays, la ligne simple de son horizon, et ses longues routes qui mènent au bout du monde, et la fuite des traîneaux dans la neige imbibée de lune, et le tremblement du soleil à travers les tilleuls des parcs provinciaux, et le parfum du thé, et le rire des jeunes filles. Ils y retrouvent aussi l'âme véritable de la nation, qui n'est pas désenchantée et morbide comme trop d'étrangers ont tendance à le croire après la lecture des grands romanciers russes, mais prodigieusement gaie, naïve et saine. La pensée de Pouchkine, contrairement à celle de Dostoïevsky, de Tchékov, de Gogol, de Tourgueniev, est tonifiante. Sa conception de l'existence rappelle les maîtres de la Renaissance. Son amour de la vie donne envie de vivre. Pouchkine aimait la vie, avec fureur, avec imprudence. C'est d'aimer trop la vie qu'il est mort si tôt.
http://www.artrusse.ca/tailes/pouchkine.htm
- Extraits:
Elle avait de l’amour-propre et sentait profondément la misère de sa position. Elle attendait avec impatience un libérateur pour briser ses chaînes ; mais les jeunes gens, prudents au milieu de leur étourderie affectée, se gardaient bien de l’honorer de leurs attentions, et cependant Lisabeta Ivanovna était cent fois plus jolie que ces demoiselles ou effrontées ou stupides qu’ils entouraient de leurs hommages.
Extrait de La dame de pique
On servit le souper ; son cœur battit plus fort. D'une voix tremblante elle annonça qu'elle n'avait pas faim et elle prit congé de son père et de sa mère. Comme de coutume, ils lui donnèrent leur bénédiction et l'embrassèrent. Elle faillit fonde en larmes. Rentrée dans sa chambre, elle se jeta dans un fauteuil et donna libre cours à ses pleurs. La servante la suppliait de se calmer et de reprendre courage. Tout était prêt. Une demi-heure plus tard, Macha devait abandonner à tout jamais la maison paternelle, sa chambre, sa paisible et virginale existence… Au-dehors, la tempête de neige se déchaînait.
Extrait de La tempête de neige
Ivan Gontcharov
- Critique & Extraits:
- Critique:
- L’auteur Ivan Gontcharov, né en 1812, mettra dix années à rédiger son chef d’œuvre intitulé Oblomov, publié en 1859. Ce roman connaîtra un tel succès que son personnage principal donnera naissance au néologisme russe oblomovchina, une étrange maladie de l’âme proche de la rêverie conduisant à l’incapacité de prendre la moindre décision, tout en demeurant continuellement dans l’apathie, l’inertie et la nostalgie de l’enfance, sorte de paradis perdu. Avec un tel personnage aussi lâche que languissant, le lecteur peut légitimement craindre de s’ennuyer à la lecture de ce roman. Il n’en fut rien, tant il est difficile de ne pas éprouver malgré soi une certaine sympathie pour ce doux rêveur qui a pour seule ambition le renoncement à tout ce qui pourrait entraver sa tranquillité, ne souhaitant que la douceur de vivre dans la répétition et l’absence de passions.
http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/19068
- Extraits:
Non, ta tristesse, ton vague à l’âme, si c’est bien ce que je pense, sont plutôt un signe de force… Les recherches d’un esprit vif et excité tendent parfois à dépasser les limites de l’existence, et, bien sûr, ne trouvent pas de réponses. C’est alors que vient la tristesse… ce mécontentement provisoire de la vie… C’est la tristesse de l’âme qui questionne la vie sur son mystère…
Extrait de Oblomov
De la rue et de la cour provenaient des cris perçants. Des serpents de feu rampaient le long des poutres et se glissaient dans toutes les fentes du vieil édifice ; la chambre de Nymphodora s'emplissait d'une fumée étouffante ; le plafond commençait à craquer… Nymphodora était toujours debout, immobile, se contentant de murmurer : " Sauvez-nous… "
Soudain, dans la porte, par où des flammèches sautaient comme issues de l'enfer, une silhouette d'apparence humaine se profila. " Au secours ! Sauvez-nous ! " — s'égosilla Nymphodora, en rassemblant ce qui lui restait de force. Deux coulées d'eau passèrent par la porte ; de la vapeur s'éleva en chuintant et en sifflant des solives noircies ; quelque chose d'énorme pénétra dans la pièce, quelque chose d'humide tomba sur Nymphodora, elle poussa un cri, et, quelques secondes plus tard, elle était emportée sans connaissance hors du brasier par un jeune homme, son voisin, qui depuis longtemps déjà contemplait la jolie frimousse de la jeune veuve et maintenant se présentait fort à propos pour la sauver — un chevalier sans peur et sans reproche !
Extrait de Nymphodora Ivanovna
Vladimir Nabokov
- Critique & Extraits:
- Critique:
- « Ce qui fait que Nabokov a accédé si rapidement au statut de classique contemporain, c'est d'abord son écriture remarquable, fortement imagée. C'est aussi sa capacité à inventer et composer des histoires extrêmement complexes et emboîtées, analyse Maurice Couturier (1), son traducteur en France. Surtout, il ne se soucie pas de l'actualité, pas plus que de donner à ses romans une dimension sociale ou documentaire. A travers les personnages qu'il invente, il s'intéresse à des choses bien plus essentielles sur l'humain. Comment l'individu se fabrique. Avec quelle sensibilité, quel courage, quelle force. Avec aussi quelle violence et quelle perversité parfois - qu'on songe à la part de sadisme et de cruauté contenue dans Rires dans la nuit, Invitation au supplice ou Lolita. »
http://www.telerama.fr/livre/nabokov-l-ecriture-comme-experience,54889.php
- Extraits:
Elle n'avait pas voulu que je voie ses yeux gonflés : elle avait une de ces peaux délicates, qui après une bonne crise de larmes, prennent une carnation vaporeuse et enflammée, et un charme morbide. Je regrettai amèrement qu'elle ait pu se méprendre à ce point sur mes goûts esthétiques, car j'adore littéralement cette touche de rose botticellien, cette coloration érubescente autour des lèvres, ces cils humides et emmêlés.
Extrait de Lolita
Je crois que c'est en cela que réside tout le sens de la création littéraire : dans l'art de décrire des objets ordinaires tels que les réfléchiront les miroirs bienveillants des temps futurs; dans l'art de trouver dans les objets qui nous entourent cette tendresse embaumée que seule la postérité saura discerner et apprécier dans les temps lointains où tous les petits riens de notre vie simple de tous les jours auront pris par eux-même un air exquis, un air de fête, le jour où un individu ayant revêtu le veston le plus ordinaire d'aujourd'hui sera déguisé pour un élégant bal masqué.
Extrait de Détails d'un coucher de soleil
Mikhaïl Boulgakov
- Critique & Extraits:
- Critique:
- Son œuvre la plus connue est Le Maître et Marguerite, dans laquelle il mêle habilement le fantastique et le réel, de telle sorte que le fantastique passe pour réel, et le réel pour fantastique, ainsi que les époques et les lieux, Jérusalem au 1er siècle après Jésus Christ, sous Ponce Pilate, et Moscou, dans les années 1930, sous la dictature soviétique.
http://www.jesuismort.com/biographie_celebrite_chercher/biographie-mikhail_boulgakov-8118.php
- Extraits:
Comprenez donc que si la langue peut dissimuler la vérité, les yeux - jamais ! On vous pose une question inattendue : vous ne tressaillez même pas, en une seconde vous reprenez vos esprits et vous savez ce que vous avez à dire pour cacher la vérité, vous parlez avec une entière assurance et aucun trait de votre visage ne bouge, mais - hélas ! - la vérité, alarmée par la question, ne fait qu'un bond du fond de votre âme jusqu'à vos yeux, - et c'est fini ! On la voit, et vous êtes pris !
Extrait de Le Maître et Marguerite
J'ai une prière à vous adresser, Evguéni Nikolaïévitch. Votre machine, il faut que vous en disiez un mot à la police. Les locataires de l'appartement n°14, murmurent que vous avez fabriqué cet engin pour vous évader de votre pays. Ce genre de choses, vous le savez mieux que moi, peut vous valoir, à vous et à moi, des tas de désagréments.
Extrait de Le Songe de l'ingénieur Rhein
Anarkyss- Bouquet de soleils
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Date d'inscription : 27/02/2017
Re: Littérature Russe
J'ai un faible pour la littérature russe. Elle fait mon histoire (une longue histoire épique et dramatique). Ma première accroche a été Dostoievski qui est l'auteur que je lis généralement d'une traite excepté pour l'idiot et les démons que je ne réussis pas à achever. Je remets régulièrement l'ouvrage sur le métier comme actuellement. J'apprécie sa puissance, sa profondeur et le rythme des histoires et séquences qu'il met subtilement en scène. Ensuite j'ai approché Tolstoi (guerre et paix et Anna Karenine). Je développerai mes impressions à part. Puis vinrent tous ceux qui sont cités ici dont quelques-uns me sont précieux (Boulgakov, Nabokov, Biely et Kharitonov...) sur lesquels j'ai tant à dire..merci pour ce fil donc.
Dernière édition par Izo le Mar 28 Mar 2017 - 23:29, édité 1 fois
Izo- Bouquet de soleils
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Date d'inscription : 24/02/2017
Re: Littérature Russe
Ma découverte s'est faite par Tolstoï moi, Guerre & paix. alors c'était quelque chose, une véritable découverte et un véritable "saut", parce niveau culture / éducation, j’étais loin derrière .
Ça a donc été un véritablement étonnement, ensuite j'ai quasi tout lu de lui. J'ai découvert après Dostoïevski (personnellement, je trouve que le Prince est un personnage assez plat à mon goût, j'ai été un peu déçu par rapport aux louanges).
Ensuite Gontcharov avec Oblomov. Pouchkine plus connu pour sa poésie. Gogol, la nouvelle journal d'un fou j'adore. Les nouvelles de Tchekhov sont délicieuses, etc..
Tu viens de me donner deux noms que je ne connaissais pas, je vais rajouter.
Edit : Je trouve la littérature Russe, et même de Allemande particulièrement et raffinement profonde. C'est une littérature pour moi, très très philosophique.
Ça a donc été un véritablement étonnement, ensuite j'ai quasi tout lu de lui. J'ai découvert après Dostoïevski (personnellement, je trouve que le Prince est un personnage assez plat à mon goût, j'ai été un peu déçu par rapport aux louanges).
Ensuite Gontcharov avec Oblomov. Pouchkine plus connu pour sa poésie. Gogol, la nouvelle journal d'un fou j'adore. Les nouvelles de Tchekhov sont délicieuses, etc..
Tu viens de me donner deux noms que je ne connaissais pas, je vais rajouter.
Edit : Je trouve la littérature Russe, et même de Allemande particulièrement et raffinement profonde. C'est une littérature pour moi, très très philosophique.
Anarkyss- Bouquet de soleils
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Date d'inscription : 27/02/2017
Re: Littérature Russe
Anna Karénine (1877) mêle trois sortes d'amour: un amour "pur" (c'est-à-dire dans les règles), un autre "impur" (entaché d'adultère), et le troisième à la fois pur et impur caractérisé par Darie et son époux, Stepane Arcadievitch Oblonski, ‘frère d'Anna) qui commet des écarts sur lesquels s'ouvre d’ailleurs le roman.
Trois couples composent donc les trames de ce récit passionnant dont deux principaux :
le couple Constantin Lévine et Kitty Chtcherbatskaïa (l’amour pur) , d'Anna (qui commet l'adultère) et le Comte Vronsky "ignorant de la vie de famille" stigmatisent l’amour impurs.
Leur histoire alterne, se recoupe, s'éloigne, éloigne les personnages ou les rapproche. Chacun des protagonistes maîtrisant ou subissant une situation qui survient, parfois promptement et fatalement : comme avec Anna et le comte Vronsky, qui se retrouvent au bal et s'éprennent l'un de l'autre, saisis malgré eux par cette passion qui les mènent jusqu'au bout d'eux-mêmes, avec cette fin terrible : le suicide d’Anna qui se jette sous un train , (référence appuyée à sa rencontre première avec son amant, sur les quais de la gare de Petersbourg), dans des circonstances d’ailleurs semblables : (un homme ivre écrasé par un convoi). L'effroi de leur rencontre scelle déjà le dénouement macabre de leur amour.
Les décisions d'Anna sont rapides et décisives tandis que celles de Kitty (son amie et rivale) et de Lévine, sont lentes, mûries. Lévine et Kitty sont à l’origine de scènes merveilleuses, de réflexions profondes et diverses, centrées sur l'actualité politique et sociale (abolition du servage).
Lévine est mon personnage préféré. A chacune de ses apparitions, il est le prétexte à des passages doux, mêlés de doutes profonds et légers, soucieux de comprendre le monde, avide de connaissance et d’intelligence. Cette contemplation grave et parfois angoissante, les longs moments de doute qui jalonnent sa vie, cet affrontement direct avec la mort (dont il découvre le mystère en assistant directement à celle de son frère), nous le montrent sensible aux mouvements les plus délicats de l'âme. Sa conception du monde transparaît d'ailleurs dès qu'il entre en rapport avec la nature, ses paysans. Le passage du fauchage qui accapare un chapitre, est sublime.
C'est d'ailleurs au personnage de Lévine que me fait penser ce roman, plus qu'à Anna Karénine elle même.
Trois couples composent donc les trames de ce récit passionnant dont deux principaux :
le couple Constantin Lévine et Kitty Chtcherbatskaïa (l’amour pur) , d'Anna (qui commet l'adultère) et le Comte Vronsky "ignorant de la vie de famille" stigmatisent l’amour impurs.
Leur histoire alterne, se recoupe, s'éloigne, éloigne les personnages ou les rapproche. Chacun des protagonistes maîtrisant ou subissant une situation qui survient, parfois promptement et fatalement : comme avec Anna et le comte Vronsky, qui se retrouvent au bal et s'éprennent l'un de l'autre, saisis malgré eux par cette passion qui les mènent jusqu'au bout d'eux-mêmes, avec cette fin terrible : le suicide d’Anna qui se jette sous un train , (référence appuyée à sa rencontre première avec son amant, sur les quais de la gare de Petersbourg), dans des circonstances d’ailleurs semblables : (un homme ivre écrasé par un convoi). L'effroi de leur rencontre scelle déjà le dénouement macabre de leur amour.
Les décisions d'Anna sont rapides et décisives tandis que celles de Kitty (son amie et rivale) et de Lévine, sont lentes, mûries. Lévine et Kitty sont à l’origine de scènes merveilleuses, de réflexions profondes et diverses, centrées sur l'actualité politique et sociale (abolition du servage).
Lévine est mon personnage préféré. A chacune de ses apparitions, il est le prétexte à des passages doux, mêlés de doutes profonds et légers, soucieux de comprendre le monde, avide de connaissance et d’intelligence. Cette contemplation grave et parfois angoissante, les longs moments de doute qui jalonnent sa vie, cet affrontement direct avec la mort (dont il découvre le mystère en assistant directement à celle de son frère), nous le montrent sensible aux mouvements les plus délicats de l'âme. Sa conception du monde transparaît d'ailleurs dès qu'il entre en rapport avec la nature, ses paysans. Le passage du fauchage qui accapare un chapitre, est sublime.
C'est d'ailleurs au personnage de Lévine que me fait penser ce roman, plus qu'à Anna Karénine elle même.
Izo- Bouquet de soleils
- Messages : 460
Points : 3094
Date d'inscription : 24/02/2017
Re: Littérature Russe
"La Guerre et la Paix" (Vojna i mir), composé en 1866, à peu près cinquante ans après la défaite de Napoléon. Un livre majeur !
Je suis contente de pouvoir m'y pencher encore. Uune page ouverte au hasard qui s'ouvre sur la douce chaleur du foyer de la famille Rostov, la perplexité de Pierre Bezoukhov , son périple rédempteur en compagnie de son camarade d'infortune, le soldat Platon Karataïev qui meurt malade et exécuté, les doutes du prince André Bolkonski, cette contemplation du ciel qu'il l’absorbe tandis qu'il gît blessé découvrant que "tout est mensonge hormis ce ciel infini", sa longue agonie, le mysticisme naissant de sa sœur, la Princesse Marie, la fourberie de Natacha, la désinvolture d'Anatole Kouraguine. Bref, tous ceux-là qui nous décrivent un grand moi qui nous forme en des instants variables où la guerre se fait et où on fait la paix.
Ce livre offre plusieurs niveaux de lecture.
Il enveloppe tous les grands thèmes qui font une vie et se présente comme l'un des principaux romans symboliques et philosophiques du XIX siècle.
Un des sujets phare est celui de la liberté, plus exactement de la liberté perdue et retrouvée. Aussi Pierre se trouve soudain mêlé à un monde en lequel il ne se retrouve pas, accablé malgré lui par une fortune qui lui revient, ce fardeau sublime et envié qu'il a bien du mal à gérer et qui l'intéresse si peu. Après une tentative infructueuse auprès des Francs Maçons, il se frotte passivement à la bataille de Borodino en héros malgré lui et à la captivité pour découvrir la réalité du monde, se découvrir et recouvrer une liberté qui lui est propre, des intentions de vie siennes.
D'autres se libèrent dans la mort, dans la souffrance, d'autres dans l'insouciance, ou les arts et la discipline militaires. D'autres s'enferrent, se déchirent et se croient libres.
Il n'y a pas autre chose que cette quête là, dans ces longues pages où les épisodes s'enchâssent tous les tournants, les vies incertaines et troublées dès lors qu’elles se trouvent face à cette précieuse liberté à conquérir.
Les récits historiques émaillent le texte et nous racontent toute cette stratégie (et tragédie) qui se concentre sur ce seul objectif, attaquer ou défendre un espace violé, libérer un lieu qui soit, une bourgade, un village dévasté, une ville imposante et désertée par ses habitants comme Moscou. Faire ou ne pas faire tout cela dans cette illusion grande et partagée de la maîtrise de soi, de ce que l'on fait et de ce qui est fait en ces instants décisifs où l'Histoire s'écrit.
Car le second thème qui s'immisce et occupe presque chacun des personnages dans ce prodigieux récit, c'est l'agir et le non agir.
Dans ses lignes, Tolstoï paraît développer les antagonismes de chaque chose dont en particulier celui-ci. Ainsi à l'imposante avancée des troupes napoléoniennes, le général Koutouzov oppose une immobilité à l'image d'ailleurs de sa propre personne, toujours présentée en demi-teinte, absorbée dans une sorte de sommeil latent. Une inertie intrigante et maîtrisée, quasiment mystique en laquelle se fonde la victoire finale. Moscou brûle, la Grande Armée française se retire et se disloque.
Tolstoï étaye intelligemment (au sens relier du terme) cette dialectique de l'action et de la contemplation, parsemant son texte et le commentant sans lourdeur.
C'est d'ailleurs avec beaucoup de sensibilité que le récit et les réflexions se liguent pour révéler leur richesse commune et exprimer ce constat de vie que l’auteur nous livre. Un constat amer qui déclasse l'idée prodigieuse qu'on peut avoir des intentions historiques, des desseins tout aussi historiques, des ambitions personnelles ou collectives, qui s'évaporent sitôt confrontés au réel. C'est un des plus grands romans qu'il m'ait été donné d'approcher après celui de Vassili Grossman (Vie et destin).
Je suis contente de pouvoir m'y pencher encore. Uune page ouverte au hasard qui s'ouvre sur la douce chaleur du foyer de la famille Rostov, la perplexité de Pierre Bezoukhov , son périple rédempteur en compagnie de son camarade d'infortune, le soldat Platon Karataïev qui meurt malade et exécuté, les doutes du prince André Bolkonski, cette contemplation du ciel qu'il l’absorbe tandis qu'il gît blessé découvrant que "tout est mensonge hormis ce ciel infini", sa longue agonie, le mysticisme naissant de sa sœur, la Princesse Marie, la fourberie de Natacha, la désinvolture d'Anatole Kouraguine. Bref, tous ceux-là qui nous décrivent un grand moi qui nous forme en des instants variables où la guerre se fait et où on fait la paix.
Ce livre offre plusieurs niveaux de lecture.
Il enveloppe tous les grands thèmes qui font une vie et se présente comme l'un des principaux romans symboliques et philosophiques du XIX siècle.
Un des sujets phare est celui de la liberté, plus exactement de la liberté perdue et retrouvée. Aussi Pierre se trouve soudain mêlé à un monde en lequel il ne se retrouve pas, accablé malgré lui par une fortune qui lui revient, ce fardeau sublime et envié qu'il a bien du mal à gérer et qui l'intéresse si peu. Après une tentative infructueuse auprès des Francs Maçons, il se frotte passivement à la bataille de Borodino en héros malgré lui et à la captivité pour découvrir la réalité du monde, se découvrir et recouvrer une liberté qui lui est propre, des intentions de vie siennes.
D'autres se libèrent dans la mort, dans la souffrance, d'autres dans l'insouciance, ou les arts et la discipline militaires. D'autres s'enferrent, se déchirent et se croient libres.
Il n'y a pas autre chose que cette quête là, dans ces longues pages où les épisodes s'enchâssent tous les tournants, les vies incertaines et troublées dès lors qu’elles se trouvent face à cette précieuse liberté à conquérir.
Les récits historiques émaillent le texte et nous racontent toute cette stratégie (et tragédie) qui se concentre sur ce seul objectif, attaquer ou défendre un espace violé, libérer un lieu qui soit, une bourgade, un village dévasté, une ville imposante et désertée par ses habitants comme Moscou. Faire ou ne pas faire tout cela dans cette illusion grande et partagée de la maîtrise de soi, de ce que l'on fait et de ce qui est fait en ces instants décisifs où l'Histoire s'écrit.
Car le second thème qui s'immisce et occupe presque chacun des personnages dans ce prodigieux récit, c'est l'agir et le non agir.
Dans ses lignes, Tolstoï paraît développer les antagonismes de chaque chose dont en particulier celui-ci. Ainsi à l'imposante avancée des troupes napoléoniennes, le général Koutouzov oppose une immobilité à l'image d'ailleurs de sa propre personne, toujours présentée en demi-teinte, absorbée dans une sorte de sommeil latent. Une inertie intrigante et maîtrisée, quasiment mystique en laquelle se fonde la victoire finale. Moscou brûle, la Grande Armée française se retire et se disloque.
Tolstoï étaye intelligemment (au sens relier du terme) cette dialectique de l'action et de la contemplation, parsemant son texte et le commentant sans lourdeur.
C'est d'ailleurs avec beaucoup de sensibilité que le récit et les réflexions se liguent pour révéler leur richesse commune et exprimer ce constat de vie que l’auteur nous livre. Un constat amer qui déclasse l'idée prodigieuse qu'on peut avoir des intentions historiques, des desseins tout aussi historiques, des ambitions personnelles ou collectives, qui s'évaporent sitôt confrontés au réel. C'est un des plus grands romans qu'il m'ait été donné d'approcher après celui de Vassili Grossman (Vie et destin).
Izo- Bouquet de soleils
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Re: Littérature Russe
Lévine c'est Tolstoï.
(Le fauchage, magnifique).
Son temps est autre-part, ralenti,
il est ridicule et sublime, impulsif et superbement calme.
Anna c'est la femme, contrainte en sa vie avec sinistre et asexuel mari,
qui embrasse la passion et chute toujours plus loin en sa folie amoureuse et sa défiance maladive.
Pierre de Guerre et paix rappelle Lévine,
en plus rêveur et moins beau peut-être.
Moins terrien, moins sauvable.
L'essence de ce livre au-delà des formidables caractères qui se complètent souvent et s'enchevêtrent en leur questionnements sur la vie le sens, c'est l'inertie et la cinétique de l'histoire contre laquelle les prétendus hommes d'action et de tête ne peuvent.
Et cette force, cette pesanteur que savent parfois acquérir les ouvrages fresques, contenant tout ce qui fait l'homme en le déclinant à l'envi sous des personnages et situations multiples qui s'agrègent, se dissolvent et fusionnent plus qu'ils ne se télescopent, sous les vastes cieux d'une Russie exsangue qui ne sait, ne peut être réduite, avaleuse et accoucheuse d'hommes avides d'infini.
Tolstoï n'a par contre jamais su, jamais voulu en réalité, dépeindre les moujiks, les gueux russes sont là en décorum, il décrit ses pairs, ces familles nobles compassées ou exaltées, raffinés ou obscènes, parlant pour la masse qui les définit en contrepoint, et dont la simplicité et les mœurs grossières mais touchant parfois au sacré les font se tirailler entre l'Europe qui les attire et leur terre qui les obsède.
(Le fauchage, magnifique).
Son temps est autre-part, ralenti,
il est ridicule et sublime, impulsif et superbement calme.
Anna c'est la femme, contrainte en sa vie avec sinistre et asexuel mari,
qui embrasse la passion et chute toujours plus loin en sa folie amoureuse et sa défiance maladive.
Pierre de Guerre et paix rappelle Lévine,
en plus rêveur et moins beau peut-être.
Moins terrien, moins sauvable.
L'essence de ce livre au-delà des formidables caractères qui se complètent souvent et s'enchevêtrent en leur questionnements sur la vie le sens, c'est l'inertie et la cinétique de l'histoire contre laquelle les prétendus hommes d'action et de tête ne peuvent.
Et cette force, cette pesanteur que savent parfois acquérir les ouvrages fresques, contenant tout ce qui fait l'homme en le déclinant à l'envi sous des personnages et situations multiples qui s'agrègent, se dissolvent et fusionnent plus qu'ils ne se télescopent, sous les vastes cieux d'une Russie exsangue qui ne sait, ne peut être réduite, avaleuse et accoucheuse d'hommes avides d'infini.
Tolstoï n'a par contre jamais su, jamais voulu en réalité, dépeindre les moujiks, les gueux russes sont là en décorum, il décrit ses pairs, ces familles nobles compassées ou exaltées, raffinés ou obscènes, parlant pour la masse qui les définit en contrepoint, et dont la simplicité et les mœurs grossières mais touchant parfois au sacré les font se tirailler entre l'Europe qui les attire et leur terre qui les obsède.
Invité- Invité
Re: Littérature Russe
Vie et Destin de Vassili Grossman. J'avais tenté de le lire il y a bien 15 ans en vain. Rapidement reboutée par l'entrée en matière on ne peut plus brutale, j'avais décliné la lecture. Il m'a fallu attendre plus de dix ans pour comprendre ma déconvenue. En effet je découvre juste cause qui est en fait le premier volet de Vie et destin, qui comble la case manquante vivement ressentie lors de ma tentative initiale (c'était comme lire Guerre et paix en commençant par le deuxième tome). Me voilà donc partie à lire 2000 pages.
La première scène donne le La. Avril 1942, deux hommes se retrouvent dans une gare (Salzbourg). Ces deux hommes atypiques sont les maîtres du monde. Ils sont jumeaux dans leur haine d'autrui et le désir de conquête. Eux -mêmes ne se supportent pas et cependant ils entrechoquent leur tête au dessus de cartes d'état major à mettre en scène les drames futurs. Leurs noms sonnent comme une somation : Hitler et Mussolini.
Plus loin, largement plus loin, le drame annoncé signe ses premiers pas. Un homme regarde dehors et devine tout de suite la tournure nouvelle que va prendre sa vie. Il la connaît pourtant cette femme qui marche vers lui, seulement, sa détermination et l'allure martiale de ses pas lui signifient le virage qu'il va devoir opérer laissant derrière lui femme et enfants. La guerre va entrer dans son foyer qu'il ne sera plus certain de fouler à nouveau un jour désormais.
Ce livre est ainsi : de grands et des petits destins qui s'animent au contact d'un événement effroyable qu'est une guerre dans une zone où elle se déroule durement : le front de l'Est.
Le cœur du récit est Stalingrad. Tout converge vers cette ville et notamment tous les petits fils qui se tissent dans les mailles de ce livre éprouvant, se nouant, se dénouant, se tachant de sang et de sueur. Il y a la guerre dont on entend parler, il y a celle qui s'approche et celle qui frappe.
La prose est efficace, lyrique, magnifique. On sent la poudre et on entend les explosions. On y est. On se terre comme les habitants dans les trous de fortune. Les dialogues sont puissants. Pas un mot de trop avec un équilibre appréciable entre la description et le verbe. C'est très imagé. La scène défile sous nos yeux et l'auteur prend soin de nous laisser tout le temps pour tout examiner, sans forcer sur le détail.
Le livre est ainsi, noir. L'auteur n'épargne pas son lecteur. Les tripes de Vassili Grossman s'emparent de la plume pour mêler à l'encre tout le sang versé par la faute des hommes, de ceux qui ordonnent, accusant tout le système idéologique avec ses mécanismes d'être des sources éhontés de terreurs qui anéantissent l'humain et son humanité. Ceci aussi bien du coté de ceux qui ordonnent que du coté de ceux qui obéissent. Quelques pages sont terribles : Tout comme Sofia Ossipova on pénètre un lieu froid et bétonné qui sent la mort, la main enserrant celle du petit David jusqu'à son dernier souffle.
Un livre majeur et magistral...
La première scène donne le La. Avril 1942, deux hommes se retrouvent dans une gare (Salzbourg). Ces deux hommes atypiques sont les maîtres du monde. Ils sont jumeaux dans leur haine d'autrui et le désir de conquête. Eux -mêmes ne se supportent pas et cependant ils entrechoquent leur tête au dessus de cartes d'état major à mettre en scène les drames futurs. Leurs noms sonnent comme une somation : Hitler et Mussolini.
Plus loin, largement plus loin, le drame annoncé signe ses premiers pas. Un homme regarde dehors et devine tout de suite la tournure nouvelle que va prendre sa vie. Il la connaît pourtant cette femme qui marche vers lui, seulement, sa détermination et l'allure martiale de ses pas lui signifient le virage qu'il va devoir opérer laissant derrière lui femme et enfants. La guerre va entrer dans son foyer qu'il ne sera plus certain de fouler à nouveau un jour désormais.
Ce livre est ainsi : de grands et des petits destins qui s'animent au contact d'un événement effroyable qu'est une guerre dans une zone où elle se déroule durement : le front de l'Est.
Le cœur du récit est Stalingrad. Tout converge vers cette ville et notamment tous les petits fils qui se tissent dans les mailles de ce livre éprouvant, se nouant, se dénouant, se tachant de sang et de sueur. Il y a la guerre dont on entend parler, il y a celle qui s'approche et celle qui frappe.
La prose est efficace, lyrique, magnifique. On sent la poudre et on entend les explosions. On y est. On se terre comme les habitants dans les trous de fortune. Les dialogues sont puissants. Pas un mot de trop avec un équilibre appréciable entre la description et le verbe. C'est très imagé. La scène défile sous nos yeux et l'auteur prend soin de nous laisser tout le temps pour tout examiner, sans forcer sur le détail.
Le livre est ainsi, noir. L'auteur n'épargne pas son lecteur. Les tripes de Vassili Grossman s'emparent de la plume pour mêler à l'encre tout le sang versé par la faute des hommes, de ceux qui ordonnent, accusant tout le système idéologique avec ses mécanismes d'être des sources éhontés de terreurs qui anéantissent l'humain et son humanité. Ceci aussi bien du coté de ceux qui ordonnent que du coté de ceux qui obéissent. Quelques pages sont terribles : Tout comme Sofia Ossipova on pénètre un lieu froid et bétonné qui sent la mort, la main enserrant celle du petit David jusqu'à son dernier souffle.
Un livre majeur et magistral...
Izo- Bouquet de soleils
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Re: Littérature Russe
Vladimir Nabokov
De tous les auteurs slaves, il est celui qui est à mes yeux le plus russe. Exilé il tourne autour de sa terre natale comme un derviche tourneur, a nous raconter maintes et maintes fois ce déplacement forcé sur des terres amicales et pourtant ennemies. Tous ses personnages empruntent ses traits ainsi que son histoire. Comme la mer chaque fois recommencée il redessine la houle qui le mena là aux États Unis.
Polyglotte, il manie le verbe comme un prestidigitateur de haute volée donnant l'illusion de jouer avec les mots, à servir un texte rigoureux et savoureux. Son intelligence flamboie. Toute allusion, tout détail se justifie dans cette immense mosaïque qui se compose sous nos yeux.
Nous ne relisons pas du Nabokov, nous le lisons encore et encore à découvrir des significations ignorées de nous lors des premières approches. Il ne cesse d'interroger l'histoire et la littérature dont il est un fin connaisseur et l'artiste dont il a les traits.
Mon favori est le Don et l'Ada l'ardeur.
De tous les auteurs slaves, il est celui qui est à mes yeux le plus russe. Exilé il tourne autour de sa terre natale comme un derviche tourneur, a nous raconter maintes et maintes fois ce déplacement forcé sur des terres amicales et pourtant ennemies. Tous ses personnages empruntent ses traits ainsi que son histoire. Comme la mer chaque fois recommencée il redessine la houle qui le mena là aux États Unis.
Polyglotte, il manie le verbe comme un prestidigitateur de haute volée donnant l'illusion de jouer avec les mots, à servir un texte rigoureux et savoureux. Son intelligence flamboie. Toute allusion, tout détail se justifie dans cette immense mosaïque qui se compose sous nos yeux.
Nous ne relisons pas du Nabokov, nous le lisons encore et encore à découvrir des significations ignorées de nous lors des premières approches. Il ne cesse d'interroger l'histoire et la littérature dont il est un fin connaisseur et l'artiste dont il a les traits.
Mon favori est le Don et l'Ada l'ardeur.
Izo- Bouquet de soleils
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Date d'inscription : 24/02/2017
Re: Littérature Russe
----- a écrit:il est celui qui est à mes yeux le plus russe
quand même pas non.
Dans son "Don" (Dar) il est franchement russe, idem dans " Pnine"
J'avoue toutefois avoir un peu exagéré le trait mais je m'emporte et je l'assume.
J'ajoute que c'est pour te faire réagir
Izo- Bouquet de soleils
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Re: Littérature Russe
Pas lu Don mais Pnine si.
Là je lis Tchevengour de Platonov.
Un peu russe tout de même !
Là je lis Tchevengour de Platonov.
Un peu russe tout de même !
Invité- Invité
Re: Littérature Russe
Oui platonov est très russe aussi : seul le soleil travaille. Tu me donnes envie de le relire merci ----- ! Tes contributions valent presque de l'or.
Izo- Bouquet de soleils
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Re: Littérature Russe
c'est dans l'édition pavillons Robert Laffont ?
Izo- Bouquet de soleils
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Date d'inscription : 24/02/2017
Re: Littérature Russe
Oui Madame,
PAVILLONS Robert Laffont que c'est écrit.
Soi-disant la meilleure traduction sauf qu'ils préviennent qu'ils ont tout de même supprimé quelques répétitions (les moujiks se répètent !, répétition de noms aussi) et également des passages difficilement compréhensibles
exemple quand le messager Louï emprunte la pulpe (ou la mie) latérale du pavé :
PAVILLONS Robert Laffont que c'est écrit.
Soi-disant la meilleure traduction sauf qu'ils préviennent qu'ils ont tout de même supprimé quelques répétitions (les moujiks se répètent !, répétition de noms aussi) et également des passages difficilement compréhensibles
exemple quand le messager Louï emprunte la pulpe (ou la mie) latérale du pavé :
Invité- Invité
Re: Littérature Russe
je l'ai. Je possède aussi les écluses d'épiphane ...belles perspectives ...
Izo- Bouquet de soleils
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Date d'inscription : 24/02/2017
Re: Littérature Russe
Un livre gigantesque rédigé par Vitali Zmotorov (1823 - 1847), mort jeune qui laissa une œuvre majeure peu connue hélas. Intitulée L'épine volée, elle fut rédigée à 19 ans. Elle allie prose et poesie, et raconte sur pres de 500 pages la trouble destinée d'une rose née d'une étrange rencontre qui fait intervenir Faust en personne! Boulgakov s'en est largement inspiré pour son "Maître et Maguerite", ainsi que Thomas Mann pour son "Doctor faustus".
Zmotorov écrivait également de spendides poèmes dont le fameux ode à Woland (1000 vers) qui débute ainsi :
" O vole mon cœur vers l'Oural ardu
Ma peine érode le sourd mensonge
La lèvre fendue à jamais.."
A découvrir vraiment.
Zmotorov écrivait également de spendides poèmes dont le fameux ode à Woland (1000 vers) qui débute ainsi :
" O vole mon cœur vers l'Oural ardu
Ma peine érode le sourd mensonge
La lèvre fendue à jamais.."
A découvrir vraiment.
Izo- Bouquet de soleils
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Date d'inscription : 24/02/2017
Re: Littérature Russe
Ha ha Boulgakov !
Makine pourtant (qu'est-ce que je suis bête !) récent est pas mal.
Makine pourtant (qu'est-ce que je suis bête !) récent est pas mal.
Invité- Invité
Re: Littérature Russe
Boulgakov ou un très grand, j'ai dévoré ses bouquins ...
Makine je ne le connais pas : pourquoi dis tu que tu es bête ?
Makine je ne le connais pas : pourquoi dis tu que tu es bête ?
Izo- Bouquet de soleils
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Date d'inscription : 24/02/2017
Re: Littérature Russe
Parce que je dis qu'il est pas mal alors que contemporain...
Parce que moi je n'aime d'ordinaire que les vieilleries.
Parce que moi je n'aime d'ordinaire que les vieilleries.
Invité- Invité
Re: Littérature Russe
Je ne savais pas que Gogol était un groupe russe. On en apprend tous les jours !
JCVD- Pâquerette timide
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