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Projet littéraire : la fabuleuse aventure de Saul Cèdre.

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Projet littéraire : la fabuleuse aventure de Saul Cèdre.  - Page 2 Empty Re: Projet littéraire : la fabuleuse aventure de Saul Cèdre.

Message par Izo Lun 24 Juil 2017 - 16:52


En cette journée dominicale, il était tout à fait exclu de solliciter une rencontre avec le docteur Senerov. Il devait désormais considérer et compter sur ce calendrier longtemps ignoré qui mettait unanimement en branle les gens de toutes sortes selon un rythme prévu à l’avance. Cet effort lui sembla incommensurable lui commandant de quitter cet esprit vagabond et dilettante seulement préoccupé à sa survie seule. Son horizon devait dès à présent s’élargir et comptabiliser plus d’un jour. Fini le cadre diem, comme sur la plage il lui était possible et permis d’étendre sa propre serviette et d’allonger sa personne dans toute son envergure et dimension et par conséquent, d’envisager le temps de façon beaucoup moins contractée. Ces multiples opérations mentales que sollicitaient ces nouvelles attitudes et comportements l’épuisaient. Pour se délasser et mettre à l’épreuve cette liberté acquise, il avisa un café ouvert et décida de consommer quelque chose. Un obstacle de taille l’emmurait déjà : il n’avait pas d’argent sur lui et n’en possédait pas. Sa tentative échouait déjà sur le pas de la porte, sans aucune chance de matérialisation. La vie normale était donc dure elle aussi ? Elle lui sembla s’incarner en un rivage bien lointain et il pressentait qu’il lui faudrait laborieusement parcourir toute cette distance visiblement vaste qui le séparait d’elle. Toutefois, culotté, il mit sur le champ un plan tout à fait osé pour parvenir malgré tout à ses fins.

Avant de pousser la porte son regard fut happé par le sien reflété sur des vitres sales mais qui laissaient percer en prismes inégaux cette figure longue rasée de près mettant en évidence une bouche large et cependant légèrement pincée mêlant dureté et douceur. Sans être fiévreux, ses yeux noirs brillaient ombrant une arcade sourcilière obliquant vers le haut et soulignant l’étrange harmonie de sa chevelure d’ébène particulièrement abondante, faite de boucles et de mèches raides rangées avec grâce. Cette beauté et la jeunesse qu’elle inspirait, il ne savait rien de son âge, lui avaient rendu quelques bons services dont un accueil presque toujours bienveillant. Toutefois, sa pâleur persistante l’ennuya risquant en effet de compromettre son plan d’attaque. Il remonta la manche de sa chemise et s’en servi pour nettoyer la vitre. A l’intérieur de ce café enfumé il vit trois hommes à l’aspect sec et nerveux. Il eut un mauvais pressentiment. Il appuya quand même sur la poignet et ouvrir la porte.

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Message par Izo Lun 24 Juil 2017 - 16:55

Un air vicié et rance envahit son nez et se propagea en lui. Cette odeur collante et lui ne faisaient qu’un désormais et il regretta aussitôt sa décision. Il n’eut pas le temps de revenir sur ses pas, une voix rauque le prit à partie : « alors étranger on se balade ? ». Tous le toisaient et la moue mitigée qui se peignait sur leur figure rougie par l’alcool augurait rien de bon.

- « Allons allons foutez lui la paix, qu’est-ce que tu veux ? »
Un café, simplement un café mais hélas je n’ai pas de quoi le payer. Je me propose donc de vous offrir quelques services en échange comme par exemple celui de nettoyer vos vitres ou toute autre chose ».

Voilà le plan qui lui valait de rester toujours maître de la situation, sans aucune dépendance possible vis à vis des autres. C’était comme un loyer qu’il prenait soin de payer en préambule de toute interaction, car instinctivement, il savait que la générosité avait déserté le coeur asséché des hommes. Toutefois certains spécimens étaient récemment parvenus à éroder cette conviction, ce qui le gonfla d’espoir. Il n’osa sourire car celui ci pouvait être interprété à tort, il se contenta donc de fixer sans animosité ce visage rond qui s’avançait vers lui sous l’hilarité générale. Il crut à son échec, mais un homme lui annonça qu’il savait parler aux femmes. Et celle ci paraissait savoir comment l’occuper.
« D’accord, va pour les fenêtres et le parquet aussi » lui souffla-t-elle, en lui déchargeant sur le visage une volute de fumée tout droit sortie de sa Mahorka russe qu’elle tenait coincée entre ses lèvres charnues.

Un seau rempli d’eau et une éponge furent déposés à ses pieds.
Tu nettoies d’abord et tu auras le café ensuite ».

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Message par Invité Lun 24 Juil 2017 - 17:01

Comment il s'est fait carotte !

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Message par Izo Lun 24 Juil 2017 - 17:14

Je dois vous demander une dernière chose : quel est votre nom ?
Quelle drôle d’idée ! On me nomme Sonia et toi comment tu t’appelles ?

C’est comme si un barrage avait cédé. Devant son seau et son éponge, sous le regard perplexe de ses hôtes, Cèdre leur raconta tout ce qui lui était arrivé depuis le début, c’est à dire depuis sa récente installation dans sa chambre située sur l’aile gauche de l’hôpital. Planté droit comme une icône, agitant ses mains et ses bras, il figurait une galaxie s’offrant aux yeux ébahis d’un astronome. Il parla, il parla et ne lésina sur aucun détail. Se livrant si complètement, il en profitait pour s’approprier ce récit qui avait d’ailleurs l’allure d’une fable, qui résumait certes toute sa vie, mais qui lui donnait corps en tant que personne surgie et née de la neige, autant dire du néant glacial où il avait failli résider à jamais. Il était fier de sa performance.

- « Alors c'est qui le gars qui courait avec toi ? » Demanda l’homme qui mâchonnait un quignon de pain beurré.
tu es soigné parce que tu es fou ? Renchérissait celui qui n’arrêtait pas de battre un jeu de cartes. Ils rirent. Sonia prit sa serviette qu’elle fit voler autour d’eux faisant mine de chasser les éventuels mauvais esprits qu’ils semblaient voleter autour d’eux au point d’empoisonner leur langue.
« Taisez vous bande d’ignares ! Vous ne voyez pas qu’il dit vrai ?
Sans ajouter un mot elle s’empara du seau qu’elle remisa dans une petite pièce sombre contiguë au bar et jeta l’éponge sur le comptoir.
- « inutile de laver tout ça ton histoire fait l’affaire, tu as gagné ton café voire plus si tu as faim, t’as pas l’air très gras ! Gricha va me chercher un bol de lait ». Le bateleur de cartes se leva péniblement et s’avança vers le buffet, prit un gobelet et une cruche remplie du liquide blanchâtre qui humait bon le lait frais. Brinquebalant, il s’approcha de Cèdre et lui versa une bonne rasade.
« A ta santé ! » Fit-il, « fasses que tu retrouves ton assise en ce bas monde. Tu sais, on est un peu amis vu que tu as joué avec mon petit Anton ce matin ».
Cette annonce le ravisait. Son chapelet de noms s’agrandissait de graines collectées jour après jour. Des accointances et des affinités en accolaient certaines et mettaient de la cohérence entre elles. Cèdre fut satisfait de ce résultat, de cette stabilité séduisante qui plus est. Son Monde vide il y a peu s’emplissait de personnes dont il appréciait le contact fut il parfois rude comme à cet instant. Peu importait, par leur entremise il se déployait et élargissait plus qu’il ne fallait son propre corps malingre. Les gens entraient à flot dans sa maison. Celle qu’il bâtissait secrètement en son for intérieur. Il avait de surcroît gagné son pari et avait eu davantage : un café et un bol de lait.

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Message par Izo Lun 24 Juil 2017 - 19:58

Cet épanchement soudain sorti de sa bouche lui avait fait du bien. Il avait mis en mots tous les instants vécus dans cette ville inconnue qui l’accueillant nu, ne manquait pas de le vêtir chaque jour. Il ne se sentait plus seul désormais et à la rigueur son arbre lui devenait de plus en plus superflu. Sa valise le narguait encore, mais beaucoup moins. Aucune force nécessaire n’avait été mobilisée pour creuser un trou et l’enfouir profondément sous la terre au pied de son arbre fétiche. Ce projet perdait son caractère impérieux jusqu’a être relégué aux oubliettes. Les êtres étaient sa priorité. Il les envisageait comme un tiroir à ouvrir, une lampe à allumer afin de voir la lumière les éclairer et l’éclairer par la même occasion. Il était leur allumette prête à craquer sur leur tête pour jeter la lumière sur eux et pour observer le nuancier d’ombres projeté tout autour de lui. Toute chose pouvait demeurer dans cette placide inertie dans la mesure où lui seul bougeait et donnait Vie selon son arrangement, désireux plus que tout d’incarner la Vie, mieux, d’être la vie et davantage encore, de la vivre. Il lui fallait procéder par étapes et donc briser ses chaînes et par conséquent gagner de l’argent. Il regarda Gricha droit dans les yeux et lui demanda sans détour s’il était possible de trouver dans le coin un travail qui le fasse vivre.

Ce fut Micha qui répondit délaissant son quignon sur la table patinée de poussière. Tout en triturant sa grosse moustache, il émit un avis mitigé. Selon lui la vie était dure ici depuis la fin de la guerre, il fallait tout reconstruire et vite. Quelques usines s’élevaient ça et là où tous ici exceptée Sonia y travaillaient. Pour illustrer son propos il leva en l’air sa main noircie et mutilée. Il y manquait une phalange. « Tu tiendrais pas une semaine mon gars ! » Conclue-t-il. Saul s’aperçut qu’il était dans l’incapacité de nommer le lieu, la ville qu’il habitait. Cette lacune lui causa un désagréable désagrément qui accentua en lui l’odeur rance qui l’environnait, comme si cette puanteur émanait de lui désormais. Il peinait à respirer. Son ignorance des choses simples le suffoquait. Il devait savoir.

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Message par Izo Mar 25 Juil 2017 - 14:12


Tout s’agita autour de lui. Les verres furent écartés sans égard, la table rapprochée à une autre et une grande carte fut apportée comme on porte une icône. Saul vit tout un réseau de traits et de mots compliqués s’étaler sous ses yeux, tout ceci sur une feuille jaunie dont on voyait combien elle n’avait pas été épargnée, certainement maniée par des mains avides de faire un point. Ses bords cornés témoignaient de consultations fréquentes et quelques marques laissées sur la carte auguraient les conversations suscitées certainement par un suivi méticuleux des avancées des troupes allemandes dans cette région départagée en deux par le Don.

Un doigt aux bords noirs et à la peau terriblement rongée pointa un point sous lequel Saul lut « Kostenki » « C’est ici, tout près du Don, l’as tu vue ? ». Quoi ? Cette eau grouillante de carpes sauvages, insolante et indolente qui se noue et se dénoue en de nombreux méandres pour se déverser dans la petite mer d’Azov se trouvait presque à ses pieds et il n’avait eu vent de sa présence ? Mais que faisait-il, où donc était-il pour ignorer jusqu’a cette présence précieuse et vitale que figurait pour lui ce fleuve capital ? Subjugué par la beauté du texte et son pouvoir revigorant il avait en effet lu ce dernier mois le Don paisible de Cholokhov gentiment prêté par le docteur Serenov sans soupçonner quoique ce soit, ? Il avait aimé la signification même du mot cosaque dont le sens était à ses yeux essentiel puisqu'il renvoyait à la liberté même. Il la convoitait plus que tout ainsi que cette vie faite de fureur, d’âpreté et de douceur. Il n’était pas dupe. Cette réminiscence lui mit la larme à l’oeil ce qui émut Sonia.

« T’en fais pas elle ne bouge pas trop notre petit père, tu pourras même t’y baigner. » Petit père : cette tendre appellation lui fit verser des larmes véritables. Il avait de la chance et n’en doutait plus. Il se trouvait exactement au meilleur endroit pour naître à nouveau et s’offrir pleinement à la vie. Il regarda ces hommes drus qui l'entouraient avec bonhomie et leur sourit. L’odeur mauvaise s’était envolée remplacée par une brise qui l’effleurait pour l’envelopper et le serrer très fort dans ses bras protecteurs.

Allait-il s’installer ici ? Comment gagner son indépendance ? Il ne pourrait rester indéfiniment à l’hôpital. Il avait déjà sentit comment on le poussait dehors. Tous allaient tôt ou tard subir ce sort, y compris Anna qui n’avait pas encore quitté son camion, les mains en quête de cette note égarée à jamais. Perdu dans ses pensées, il examina plus en avant la carte qui s’étalait devant lui lui faisant des œillades, lui parlant et se comportant de façon aguichante, le conviant à une connaissance plus approfondie de ces mots bigarrés, de ces terres légèrement vallonnées, sises dans de la craie et pour la plupart rassemblées autour de ce fleuve qui personnalisait aux yeux des cosaques leur ligne de vie. Il était désireux lui aussi de suivre cette ligne. A voix haute, il lut Voronej situé plus au Nord qui paraissait indiquer une grande ville, et sans qu’il s’en rendit compte sa propre main s’était posée à proximité de ce nom. Micha qui décidément savait lire les gens entre les lignes, opina de la tête et s’exclama « Te voilà en conquérant maintenant ? ».
« Mais tu as bien raison. » poursuivit-il, « Cette ville est gigantesque et est en pleine reconstruction. De plus elle est un grand centre administratif, tu pourrais y trouver ton bonheur ! ».

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Message par Izo Mar 25 Juil 2017 - 14:15

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Message par Izo Mar 25 Juil 2017 - 14:18

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Message par Izo Mar 25 Juil 2017 - 19:51

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Message par Izo Mar 25 Juil 2017 - 22:45

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Message par Vive Mer 26 Juil 2017 - 11:50

( je lis )
J'en suis au repas et à bon appétit Wink
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Message par Izo Mer 26 Juil 2017 - 22:05

C'est pas trop lourd à digérer ?
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Message par Izo Mer 26 Juil 2017 - 22:06


Tout ce qui incarnait le réfectoire : le bruit feutré, les odeurs ne lui importa pas cette fois-ci et ne l’importunèrent pas du tout. Saul, droit comme un i, le corps en dedans encore imprégné de ce contact frais et vivifiant avec le fleuve, entra et du regard, passa au crible toutes les personnes présentes jusqu’à repérer la forme espérée. Sans se presser et se contenir, il prit soin de copieusement se servir et s’installa à ses côtés. Anna prise au dépourvu se retourna vivement et l’accueillit par un « ah ! » de surprise. L’échange débuta par une accolade de sourires et Saul attaqua aussitôt :
«  songes tu à rejouer de la musique ? ».
Le caractère frontal de la question sembla la heurter, Saul s’en excusa et expliqua le motif de cette cruelle interrogation. Selon lui, elle avait quelque chose à finir, une tâche horriblement interrompue, qui reprise la remettrait sur la voie, celle là vitale et nécessaire dont l’impétuosité était évidente. Il était prêt à l’accompagner d’autant plus qu’elle seule pouvait l’aider à son tour et nettoyer ses oreilles de ces horreurs qui s’insinuaient encore en son for intérieur. Par ailleurs la musique trouvait quelque écho en lui, elle ne lui était pas étrangère. Il souhaitait creuser cette familiarité et en faire son amie. Son projet à son égard se résumait en ces mots sommaires : cesser d’ombrer pour entrer dans la clarté. Anna répéta cette phrase comme un adage. « Ombrer ? » demanda-t-elle. Oui, sortir de cette nuit nuisible et mortifère pour accéder aux rayons frais et bienfaisants de la vie. La musique y pourvoirait certainement. Il s’agissait de rectifier une trajectoire et d’en tracer une autre. Anna soudain haussa le ton, et cria, comment pouvait il se montrer si indélicat, voire insolent, pire, violent. Elle se leva et dans un mouvement vif, rebroussa sa manche de chemise jusqu’au coude, mettant à jour ce tatouage indésirable qui lui signifiait chaque jour d’où elle venait. Passer l’éponge était impossible et impensable. Effacer ça était inconcevable. Il était fou. Sa main vola vers lui et claqua sur sa joue.
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Message par Vive Jeu 27 Juil 2017 - 18:35

J'en suis au 21 juillet : la bibliothèque .
C'est tres Bien ecrit, les descriptions sont précises et on est dans la tête de ce personnage .
Son Caractère n'apparaît que peu pour le moment mais on le sent renaître .
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Message par Izo Jeu 27 Juil 2017 - 19:43

Super ce retour sincère j'en ai réellement besoin pour savoir si c'est bidon ou pas ce truc, si c'est viable, réaliste.
N'hésitez pas ...
la suite à venir avec des rebondissements...
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Message par Vive Jeu 27 Juil 2017 - 20:09

Bah oui je veux savoir comment il va renaître, ces deux désirs qui viennent le frapper .
Il y a deux ou trois coquilles.
Mais sur tel c'est chiant .
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Message par Izo Jeu 27 Juil 2017 - 22:31

Cette gifle n’était pas prévue. Elle ne lui fit pourtant pas aussi mal que la violence qu’elle incluait pouvait supposer faire, même s’il sentait le feu courir sur ces joues. Positivement, elle lui signifiait une vigueur qu’il était satisfait de constater. Quant à Anna surprise par la vélocité de sa réaction, elle restait interdite, comme statufiée. Saul se leva à son tour et se confondit en excuses. Il n’aurait pas dû penser qu’elle possédait aussi ce pouvoir de réfection. Ce halo de tristesse installé en elle le meurtrissait, il voulait souffler dessus non pour l’attiser mais pour l’éloigner, au mieux définitivement le chasser. C’était là son seul but à son égard. Il la conjurait de croire en lui et de s’appuyer sur ce désir. Délicatement il osa à nouveau la toucher, du bout des doigts comme pour concrétiser ses paroles et renouer ce frêle lien à l’instant rompu avec brutalité. Elle ne bougea pas et ne réagit pas davantage. Ses grands yeux bleus étaient plantés en lui comme un piquet de torture. Le ciel qu’il y entrevoyait d’ordinaire s’était rembruni et avait viré à l’orage. Délicatement alors, il apposa le bout arrondi de ses doigts sur cette main nerveusement ébranlée par la violente réaction qu’elle avait reçu l’ordre de faire. Ses phalanges se reposèrent enfin dessus et reçurent cette décharge électrique qui se communiquait et se démarchait en elles par petits traits. Le feu en elle ne paraissait pas s’éteindre. Donc il se résolut à aller plus loin et de lui prendre les mains, devant absolument lui signifier le caractère bienveillant de son attitude.
« je suis désolé vraiment, j’obtiens le résultat inverse de ce que j’envisageais ». Elle le dévisagea, un froncement de sourcils l’invita à poursuivre. Les convives témoins de la scène s’étaient pour la plupart levés eux aussi et restaient indécis. Partir ou rester encore un peu afin d’écouter cet étrange jeune homme qui détonnait d’eux par cette allant qu’il inspirait, cette possibilité d’être à nouveau heureux qu’il semblait vouloir énoncer enfin. Perdus, broyés, mâchés par la cruauté, également porteurs de ces chiffres indélébiles sur leurs avant bras, ils ne rechignaient pas à picorer ça et là quelques petits bouts d’espoirs. Or Saul Cèdre semblait à leurs yeux détenir ces échantillons convoités.

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Message par Momosse Ven 28 Juil 2017 - 10:12

Moi j'm'en branle fort de ton Cèdre mais comme je sais qui es sa créatrice, il existe quand même en vrai, même pour moi...
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Message par Izo Lun 31 Juil 2017 - 1:04

Il parla alors, dévidant sa pensée en des mots simples et courts souhaitant aplanir leur accès et surtout atteindre sans dommage Anna pour lui démontrer le bien fondé de ses intentions, dont le premier objectif était de lui faire quitter cet état stuporeux. Debout, en appui sur un dossier de chaise, soignant son articulation, les yeux dans les yeux d’Anna il dit exactement ceci.
Tout en elle dégageait une aura musicale, son mutisme autant que sa parole. Sa façon de raconter ce qu’il lui était arrivé avant son internement trahissait ce bienheureux penchant. Pour lui, elle était une clé de sol, une portée. Il lui était impossible de la considérer autrement. Si elle était capable de jouer du Bach, en l’occurrence son offrande musicale, et de l’approcher avec finesse et acuité jusqu’a l’abandon, elle pourrait alors tout aussi bien composer. Or il lui était venu l’idée apparemment incongrue qu’un torrent de notes subtilement agencées était susceptible de jaillir d’elle. Il la sentait capable d’un tel prodige dont il attendait impatiemment la concrétisation.

Dans son esprit s’était même dessinée la composition en question. Elle s’envisageait ainsi et s’en referait premièrement à lui. Dans la mesure où il se trouvait dépourvu de mémoire, il avait décidé de combler le vide abyssal qu’il ne parviendrait jamais à combler par des effets de sa confection. Ainsi chaque jour était vu comme un réservoir possible de faits qu’il lui appartenait de considérer, d’acquérir et de modeler à sa guise dans le respect de leurs principaux traits pour les faire siens. C’est ainsi qu’il ambitionnait de se souvenir de tout et de tous, d’accorder une importance extrême et minutieuse à chacun. Tout en écartant une possible résurgence de ce passé, il avait donc fait le pari de se construire intégralement sans références antérieures qu’il ne possédait d’ailleurs plus et sur lesquelles un trait définitif était été tiré sur son initiative.

Comme Orphée, il marchait et son œuvre, c’est à dire lui, le suivait telle Eurydice. Une condition terrible planait au dessus de lui comme une menace : s’il se retourne, elle disparaît, le néant gagnant alors la partie. Ne jamais se retourner était son choix et cette solution lui convenait. Il lui restait quelques menus détails à régler encore, mais il en était globalement fort satisfait. Son ciel, sa personne et ses abîmes prenaient corps, et s’inscrivaient désormais dans toutes les dimensions temporelles. Son avenir pouvait s’y référer pour s’envisager sereinement.

Anna à cet instant hocha la tête tandis que les auditeurs perplexes se regardaient songeurs et déconcertés. L’un d’eux s’exclama « Ce type est fou ». D’autres réclamèrent le silence. Saul toussota et voulu reprendre le cours de sa démonstration, mais il se mit a trembler pressentant un cuisant échec. Ses mains se crispèrent sur le dossier de la chaise. Il s’humecta les lèvres et repris la parole. Il en venait d’ailleurs au point principal qui était celui-ci et qui concernait Anna ici présente. Toutes les têtes se tournèrent vers elle pour la prendre à témoin. Avec ostentation, elle détourna les yeux pour ne pas troubler cette étonnante confession.

La musique résidait partout y compris là où il n’y a pas de musique. Celle-ci manquait aux hommes qui n’avaient écouté que des bruits produit par la haine. Cette dernière avait avachi les esprits et déformé les corps. Ils avaient survécu. Ils étaient donc cette touche finale qui mettrait définitivement à mal cette haine entre les hommes qu’il fallait rééduquer. L’assistance se rembrunit et échangea des regards émus. Saul toussa à nouveau, en soi il espérait n’avoir pas pris froid suite au bain glacial dans le Don. Ses mots se furent plus précis pour détailler le coeur de son désir envers Anna dont les yeux s’humectaient de larmes. Il s’adressa à elle, lui affirmant que la musique ne l’avait pas desservie en ces instants terribles. Bien au contraire, elle l’avait embaumée d’une pellicule saine qui était demeurée intacte en dépit des tourments indicibles supportés dans les camps. Elle portait en elle cette fine particule faite de sons capables de retourner les pensées les plus obscures qui existaient encore dans ce monde. Pour se sauver et sauver le Monde, il lui sommait donc de se servir de ce don qu’il sentait fleurir en elle des lors qu’elle parlait de la musique. Cette force émanait tellement d’elle qu’il n’éprouvait pas le besoin de l’entendre jouer pour s’en convaincre. Ses mains également disaient cette puissance et lui, voulait les voir à nouveau frôler le clavier pour le faire vibrer de sons qui exhortent à l’amitié.
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Message par Izo Lun 31 Juil 2017 - 1:05

Autant lui s’occupait du ciel, autant elle pourrait s’occuper de l’univers et le recréer. Voila son projet dont il dessina précisément les traits. Quelques chaises raclèrent le sol. L’assistance s’installait comme pour bien profiter du spectacle. Anna se détendit. Personne n’avait proféré de tels mots à son encontre. Elle les trouvait fabuleusement étranges et vrais. Rassuré, Saul repris le fil de son propos. Sans se prendre pour dieu il fallait toutefois renommer les choses. Ainsi procédait-il. Il s’était renommé et reconsidérait identiquement les êtres et les choses. Or, l’idée ne le quittait pas selon laquelle, Anna pouvait musicalement faire de même. Il la voyait bien recréer le Monde en lui proposant pourquoi pas, un poème symphonique, intitulé les quatre éléments. Il s’expliqua. Ce fut à Anna de tousser à son tour. Elle n’en crut pas ses oreilles, pourtant, ce qui allait suivre allait la bouleverser et l’exhorter à un renversement total de sa vie. Donc, cette oeuvre reprendrait un à un les substances clés constituants de l’univers, à savoir, la terre, l’eau, l’air et le feu. Ce dernier ouvrirait la symphonie en tant que matière originelle. Il voyait bien un scherzo pour le dépeindre. Ensuite viendrait son contraire, l’eau, suggérée par un mouvement calme et langoureux. Un adagio donc, suffisamment doux pour accueillir l’air en son sein pour lequel on privilégierait l’usage des instruments à vents. Le final serait pathétique consacrant en effet la Terre. Celle-ci serait à décrire dans ses fragilités et sa sensibilité. Elle exprimerait un subtil et indéfectible tissage entre tous les êtres, les adjoignant à se donner la main. Ce serait le summum de l’oeuvre, tout cœur devant être touché, voire intimement ému. Ce n’est pas la douce et explosive joie de la neuvième de Beethoven, mais une plainte, une prière tenue et ferme à l’adresse des hommes. Il voulait entendre un poème symphonique consolant qui reconsidérait l’univers tout entier comme pour repositionner les bases et les accorder pour un nouveau départ. D’ailleurs l’introduction pourrait consister en une anacrouse chaotique prélude à ce nouveau Monde. Ce vœu pieux était il réalisable ? Il ne s’agissait pas de rejeter le malheur douloureusement éprouvé dans la chair et l’âme, mais d’aller au delà pour sauter de plein pied dans le futur.
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Message par Izo Mar 1 Aoû 2017 - 23:05


« Comment sauter quand on le peut pas ? », demanda une pale jeune fille au visage oblongue. Posant cette question elle se tordait les mains comme pour s’empêcher de toucher cette plausible réalité. Elle était au bord des larmes. « Comment sauter » répéta-t-elle.
Ce ne fut pas Saul qui répondit, mais une autre fille dont les traits durs exprimaient leur accrocs avec les humiliations et la mort. « Quand il faut, il faut, jusqu’à présent nous n’avons pas eu le choix, or ici il faut d’abord le vouloir et ça, nous ne savons plus faire ». Un autre, plus pragmatique parlait déjà de piano qu’il fallait réquisitionner. Il en avait vu un dans une salle en piètre état. Était-il possible de l’utiliser ? Un autre évoqua les partitions et se proposa à passer ses journées à préparer les feuilles, il avait à sa disposition des crayons et du papier. Il était persuadé que cet exercice lui ferait le plus grand bien. Un autre haussa les épaules et jugea ce projet fou.

Tous s’animaient, y compris certains qui jusqu'ici, c’est à dire depuis leur admission à Tchernychevski, n’avaient prononcé aucune parole. Un indescriptible brouhaha s’éleva. Anna muette les contemplait, incrédule. Saul vit briller dans ses yeux une étincelle qui le ravissait. Ses paroles avaient pris racine en elle, il ne lui restait qu’à attendre leur germination. Il en avait assez dit et se sentit faible comme s’il avait brûlé devant eux toute son énergie pour le leur abandonner, profitant de sa combustion pour se réchauffer d’abord et s’échauffer ensuite. Il quémanda un verre d’eau qu’on lui fournit immédiatement. Il le but d’un trait sous des regards amusés. Des sourires illuminaient des visages dont on voyait bien combien cette manifestation n’était pas coutumière, les lèvres se tordaient s’efforçant de se positionner aux endroits où la souffrance avait pris ces quartiers. La conversation s’anima. Un mot prit rapidement le dessus. Il primait sur tous les autres. L’argent. Il en fallait pour raccorder le piano car on sentait bien les réticences administratives à ce sujet. Toute demande un peu extraordinaire recevait en effet de leur part une réponse négative injustifiée ou majoritairement sans motif réel. Agir était donc urgent. Tous pressentaient une exclusion proche. On commençait à les rudoyer et à gentiment leur montrer la sortie. Certains jeunes hommes avaient été approchés par les autorités militaires qui leur firent savoir de quel œil elles voyaient leur avenir après leur convalescence. Il était hors de question de s’engager dans l’armée rouge. Saul devina que c’était bien là le sort qu’on lui réservait sans doute. Son âge approchait l’âge légal d’incorporation et les derniers bilans médicaux tendaient volontairement à nier ses douleurs persistantes. Soudain, une voix grave domina toutes les autres. Il s’appelait Constantin et déclara à brule pourpoint posséder une somme d’argent suffisante pour suppléer les frais. Même s’il jugeait le projet loufoque, il était prêt à la mettre à disposition précisa-t-il, à condition que l’oeuvre lui soit dédicacée, certain alors de laisser une trace fut elle infime dans ce bas monde.
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Message par Izo Mar 1 Aoû 2017 - 23:07


Anna écoutait sans écouter. Elle repassait dans sa tête l’instant ultime où elle et le piano ne faisaient qu’un. Les moindres détails surgissaient agressivement. Le clavier avec ses touches noires et blanches tranchaient avec cette trace oblongue qu’elle voyait encore rougir sous ses yeux et qui provenait de son corps martyrisé. Aux accords planant de Bach succédaient des hurlements. Deux mondes s’entrechoquaient et le cri de cet accrochage persistait en elle depuis ce jour. Comment effacer ces images et imposer le silence ? Comment s’assoupir et faire place nette pour une nouvelle phrase de musique née d’elle ? Elle qui avait tout perdu, son père, sa mère dont elle revoyait l’angoisse lui monter sur tout son corps tandis qu’un officier SS les séparait. Dans cette cohue indescriptible, elle avait cherché son frère aîné, tentant de reconnaître dans cette foule à la fois bigarrée et uniforme la frêle silhouette d’Henryk en vain. Plus tard elle avait interrogé tout homme qu’elle croisait, certaine d’omettre les détails menus ou importants susceptibles d’aider à le reconnaitre. Sa mémoire désorientée par la lassitude et la faim la trahissait, la laissant jour après jour sur un vide désolant. Les traits d’Henryk se brouillaient puis s’effacèrent. Cette incapacité à se le représenter lui signifiait que lui aussi changeait et que son physique subissait les assauts de la guerre avec son cortège d’instruments horribles.
Elle regarda Saul qui était nettement plus jeune qu’elle et qui semblait pourtant si vieux. Le vers d’un grand poète français, Charles Baudelaire lui vint : « J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans » sauf que Saul était vierge de tout souvenir, ce qu’elle ignorait complément.

Les palabres cessèrent quand Saul se redressa et prit soudainement congés d’eux, sans même leur adresser un regard, les laissant livrés à eux seuls. L’idée devait germer, et lui se mettre au repos à la manière d’une pâte à pain pour se soulever et s’élever enfin. Demain était une journée capitale, il allait voir Serenov et évoquer avec lui les modalités de cette éclosion de lui même dans ce monde si peu stable. En attendant il lui fallait entrer dans sa nuit et affronter ses fantômes. Il n’en vit aucun. Couché en chien de fusil sur son lit, l’endormissement ne tarda pas et les rêves redoutés firent place à un néant qui l’absorba complètement jusqu’au réveil.

La fenêtre ouverte devint au petit matin une grande oreille tournée vers le jardin et ses bruits, disséminant dans toute la chambre les cris d’oiseaux chantant leur allégresse d’être heureux de profiter seuls de ce privilège rare des tous premiers rayons du soleil. Saul fut tiré du sommeil par le chant d’un merle qui voltigea vers lui comme un cristal scintillant. L’éclat de cette rumeur l’enveloppa et lui donna raison quant à sa manière de concevoir la musique comme un baume réparateur. Il pensa à sa confession et redouta de se présenter à nouveau au réfectoire pour son petit déjeuner. Le souvenir de la gifle l’assombrit. Avec du recul sa question ne lui paraissait pas mériter cette violence. Revenant sur ce qui c’était passé il se demanda même si son intuition envers la nature et le caractère d’Anna était juste. Ne rêvait il pas les gens ? Ne leur attribuait il pas des pouvoirs qu’ils n’avaient pas ? Il chassa ce doute malfaisant, s’apprêta et se prépara à se rendre sur l'aile droite de l’hôpital, c’est à dire, son point de départ.
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Message par Izo Mar 1 Aoû 2017 - 23:09


Il emprunta les longs couloirs étroits qui paraissaient saluer chacun de ses pas, les reconnaissant sans doute tant il les avait parcourus jadis, sans entrain cependant. La lumière jaune des lampes usées et vieillies se reflétait sur lui et lui donnait un teint cireux qui se répandait également sur ses mains. Il avait l’impression de s’avancer plus profondément dans la maladie. Machinalement il porta sa main jaune sur son flanc comme pour vérifier ce ressenti. Un infirmier lui céda le passage ainsi qu’un patient. Le carrelage blanc lui donnait la nausée. Rien n’était fait ici pour susciter l’envie de vivre. L’hôpital ne renvoyait aucun écho de la magnificence des instants qu’il était pourtant agréable d’éprouver. Heureusement, le bureau de Senerov se situait à l’étage et bénéficiait d’un éclairage naturel.

Poursuivant son chemin, il déboucha sur une grande salle spacieuse occupée par des silhouettes qu’il évita de troubler. Mieux valait conforter cette immobilité plutôt que d’éveiller quelques étranges démons. Une fois, l’un d’eux s’était attaqué à lui, le saisissant à la gorge. Un coup de poing bien ajusté avait eu raison de l’assaillant, le pliant en deux juste le temps nécessaire pour fuir. Aussi Saul traversa cet espace presque sans respirer, occupé à river son regard sur le sol dont il semblait scrupuleusement étudier chaque motif. Il réalisa combien sa chambre ouverte sur son cèdre figurait un bol d’air salutaire qui avait positivement joué sur son humeur. Un frisson d’effroi le parcouru. Il était temps que ce voyage se termine. Blême, il bifurqua sur la droite, avisa un escalier plus propre et s’assit sur la première marche. Il devait se ressaisir, rameuter ses fibres en lui ébranlées, calmer leurs pulsations et tempérer les emballements injustifiés de son coeur. Ce teint cadavérique ne ferait rien à l’affaire. Une allure normale s’imposait. Enfin rendu à lui, il se releva, respira un bon coup et se donna des claques sur les joues leur donnant un éclat incarnât. Il s’encouragea à monter les marches restantes avec entrain.

Ainsi se il trouva devant la porte vitrée. La perspective de cette rencontre inopinée l’oppressait plus que ce qu’il aurait cru. Le docteur Albert Ivanovitch Serenov n’était pas un homme facile d’accès. Grand, nettement plus grand que la moyenne et anguleux, son abord n’invitait pas à la confidence. Ses mains longues et blanches caressant en pointe son menton imberbe lui conféraient une docte attitude à la hauteur de laquelle il fallait également se situer et siéger. Cet effort en avait épuisé plus d’un y compris les collègues. Aussi il avait apprécié ce geste entendu comme un privilège lorsque Serenov lui avait prêté le « Don paisible ». La hauteur convoitée, celle-là qui commande d’être vrai et entier peut être, sur le point d’être atteinte, du moins dans ses tous premiers paliers, bénéficiait avec ce gros volume d’un sacré coup de main qui valait tous les entretiens possible. Les mots et leur chant l’avaient d’abord bercé l’introduisant dans une temporalité soutenue et sans accrocs. Ensuite ils s’étaient consacrés à remodeler sa pensée suivant une ondée douce et véhémente, l’accordant avec ce qui se passait ou ce qui s'était passé dehors, avec ce combat qui mettait les hommes en rang pour une tuerie collective. Une guerre mondiale et civile y étaient en effet contées.

Se prénommant Joachim, Saul se doutait bien du lien implicite qui lui avait été subrepticement suggéré et tendu au moyen de ce récit avec son histoire personnelle. Il semblait vraisemblable que son sang ait des origines hispaniques et qu’enfant il ait été soustrait de ce pays en guerre à la fin des années trente. C’était son interprétation dont l’authenticité ne souffrait d’aucun doute. Elle expliquait et justifiait pour partie, son attitude récente, dont, sa baignade dans le Don. Fusionner avec l’eau à défaut de la terre russe lui ayant paru plus plausible et sensé.
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Message par Invité Ven 4 Aoû 2017 - 11:45

(Suite à l'admonestation de Vive j'ai repris ma lecture, très très vite, trop ;
bon mon sale avis c'est qu'Anna me casse les pieds, Saul Cèdre de l'Atlas ferait mieux de la planter et d'aller s'établir parmi les cosaques du Don)

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Message par Izo Sam 5 Aoû 2017 - 17:49


Il frappa, il entendit « entrez », il entra.
Vassili Ivanovitch Serenov se tenait assis derrière un joli bureau en bois laqué sur lequel étaient disposés alignés comme de bons petits soldats de gros dossiers dont deux étaient ouverts laissant entrevoir une écriture serrée et quelques menus paragraphes numérotés qui rendaient compte avec parcimonie d’une vie passée entre ces murs. Saul savait se tenir à quelques distances de son nom véritable, peut être même de sa date de naissance. On lui avait parlé des instances secrètes qui possédaient l’ingéniosité de faire parler le passé fut il déclaré mort. Le KGB ou le NKVD avait certainement dû se pencher sur son cas. Il n’en doutait pas une seconde. Il croisa enfin le regard de Serenov qui le scrutait en souriant.
«  Vous voilà, je vous attendais. vous avez pris votre temps !
Mon temps ?
Oui cela fait presque une semaine que vous avez quitté ce service. Honnêtement, je pensais vous revoir plus tôt. Votre mine est superbe ! » Saul en lui même, se félicita de l’efficacité de sa remise en condition rapide dans l’escalier.
«  comment va votre blessure ? Montrez moi ça ». Tout de suite, marquer son empreinte sur le patient et s’emparer de son corps. Saul obéit à contre coeur et se déshabilla complètement sans éprouver cette jouissance comme sur les rives du Don. À ce souvenir, il toussa un peu. Il tressaillit. Des doigts froids s’enfonçaient dans sa cage thoracique et fourrageaient les muscles et la chair. Une douleur vive l’élança. « La cicatrisation est correcte mais je sens un corps dur, c’est étrange. » Pas de questions, Saul s’en tint à son idée et attendait l’occasion. L’auscultation dura encore, trop. Les vêtements sur le dossier de la chaise l’appelaient, il lui tardait de s’en revêtir. Mais pas de feu vert. Il resta nu encore et fut invité à s’allonger. La table glacée le contacta. Il se maintint au dessus comme une planche.
« Détendez vous, c’est presque fini ».
S’il vous plaît accélérez. gémit il
Oui je comprends, j’abrège. Enfin l’ordre de se rhabiller lui fut donné. Le contact de la chemise encore tiède sur la peau lui procura un bienfait innommable. Son squelette retrouva son assise et son emplacement au centre de cette enveloppe protectrice et familière. Il se rassit et dit.
Je suis vraiment content de vous revoir docteur, votre décision de m’orienter vers le service de convalescence m’à été tout à fait favorable.
Le devoir d’un médecin est de ne pas faire de mal au malade, se risqua d’ajouter Serenov, vous savez, Primum, non nocere. Je vois vos progrès sur votre corps c’est pourquoi je me suis permis cet examen contraignant.
Oui, je vais mieux. Je mange et dors bien. Je sors aussi.
Je l’ai su en effet ». comme quoi Saul avait raison, ses moindres actions étaient surveillées comme le lait sous le feu. Derrière le docteur se tenaient dans un alignement impeccable, les trois portraits de Lénine, Marx et Staline. Ils étaient sous bonne garde. Ces trois là bénéficiaient d’une vison panoptique sur tout fait et geste. L’odeur du danger monta d’eux et alla se loger sur son dos pour y glisser tout le long. Il sentit la sueur perler. Mais déterminé, Saul prit la parole.
L’objet de ma visite est particulière. Vous devez vous douter que je n’ai pas ouvert la valise. Elle est restée en l’état. J’ai décidé de ne pas savoir ». Aucune réaction. Saul poursuivit. « Je voudrais être né la semaine dernière. Ma mémoire peut me revenir, peu m’importe, je dois avancer, cheminer, vivre. Je suis jeune encore. Je ne veux pas végéter davantage. Je ne veux que me créer ». Les doigts de Serenov caressaient les contours de son menton, dubitatif. « Et ? » Demanda t il. Acculé Saul ne sut comment s’y prendre.
Je voudrais officiellement devenir la personne que j’ai créée.
Vous rendez vous compte de ce que vous demandez là ? Vous souffrez d’une amnésie traumatique. Tous vos souvenirs ont été effacés mais ils peuvent resurgir et vous heurter d’autant. Ils commencent peut être à revenir au moyen de résurgences émotionnelles.
Oui, c’est possible mais qu’importe, se hâta de répondre Saul, c’est un fait, je ne suis que cette personne là. Ouvrir la valise serait pour moi m’obliger à porter un vêtement qui ne me va pas ! Je ne veux pas endosser un passé qui ne m’appartient plus.
Et votre père ? Saul pâlit. Le docteur venait imprudemment d’ouvrir la valise. Ce père s’y échappait. Il avait donc sur terre un père, son père, un parfait inconnu lié à lui qui certainement l’attendait. Toutes les portes du possible se fermèrent brutalement au dedans de lui. Il entendit un bruit infernal de clés claquer et résonner dans tout son corps et l’ébranler au point de se sentir mal. Il vacilla et la haine l’emplit. De quel droit Serenov pouvait il le brusquer ainsi ? La paix enfin n’était pas possible ? Serenov justement, s’avança vers son bureau laqué et se pencha sur le premier dossier pour en sortir une lettre qu’il tendit en direction de Saul.
je me devais de vous le dire. J’en suis bien désolé, mais les autorités m’ont adressé ceci en provenance de France. Elle est écrite de la main de votre père qui vous recherche ». Sans la prendre, la laissant en suspend dans la main de Serenov, Saul regarda droit devant lui et se mit à tout raconter. Sa chambre, cette fenêtre et splendidement droit et haut ce cèdre qui lui souffla dès le premier matin de lui voler son nom.
Car oui se tenait devant lui l’honorable Saul Gabriel Joachim Cèdre. Tous les événements de la semaine furent relatés avec force de détail, y compris le bain dans le Don. Serenov s’était calé dans son fauteuil les mains à plat sur les dossiers comme pour leur demander de patienter et de ne pas s’alarmer. Son menton lisse pointait vers son malade qu’il sondait avec inquiétude. Saul sans se laisser démonter poursuivi son récit.
Je me sens bien ici, comme chez moi enfin. Et puis il y a Anna. Je désire que la paix et surtout résider sans attaches qui me traînent vers un passé dont je ne veux rien savoir, ce frère probablement mort et qui me hante, ce père que je ne connais pas et qui va me demander de devenir le fils que je ne pourrais jamais être.
J’entends bien ce que vous m’affirmez là monsieur Cèdre ». Saul leva les yeux, Serenov consentait. Tout était dit. Serenov immédiatement, leva sa main à plat devant Saul pour le mettre en attente à son tour. Il lui fallait poursuivre sans être interrompu. Ses mains préparaient donc toute parole. Les examinant il était tout à fait possible de prévoir la tournure de tout entretien. Saul quitta les yeux ternes de son interlocuteur pour se concentrer sur la puissance de ces longues mains blanches. Il lui sembla y apposer tout son devenir.
Je consens oui, vous laisser partir avec cette valise n’était pas anodin. Je voulais vous mettre en situation de choisir. Et vous avez choisi. Seulement je ne savais pas que les événements allaient se précipiter ainsi car cette lettre m’est parvenue hier. Elle change tout. Les autorités sont sur la brèche et nous somme de vous mettre à leur disposition. En même temps vous ne vous rendez pas compte de votre chance. » La main planait devant Saul réclamant toujours le silence.
Le Monde change vite et demain il se peut que personne ne puisse sortir du pays pour longtemps. On vous donne le privilège unique de passer à l’ouest, où vous pourrez vous épanouir à votre aise ». Immédiatement Saul faisant fi de la main répondit les larmes aux yeux.
Mais je suis un arbre d’ici. Je ne peux pas. C’est aussi simple que cela.
J’admets mais sans vous comprendre ». La main enfin regagna le menton pour le gratter furieusement.
Vous êtes amoureux ? » Saul fut désarçonné. Cette question d’abord, puis ce mot qui n’avait jamais osé entrer dans sa vie ou qui n’en n’avait pas eu le temps. Il le sentait. C’est un mot étranger qui transportait un concept inconnu. Il avait dû être aimé. Sa mère, ce père, mais lui ne se souvenait pas de ce sentiment ou d’avoir goûté un tel transport. Sa mémoire nue ne lui renvoyant aucun écho plausible. Sa puissance d’être ne s’exerçait que très récemment il est vrai, accumulant des sensations stimulantes, mais l’amour … il était incapable d’imaginer ce qu'elle recouvrait. Étonnamment il répondît « oui ».
Votre résurrection en ce monde est miraculeuse. En à peine une semaine, vous avez engrangé de belles choses. Vous êtes un bon médecin pour vous même monsieur Cèdre.
Oui mais enchaîné à un passé amputé et un système entêté. Il ne me reste plus qu’a mourir ». À peine naître et mourir déjà. C’était impossible, ce courage là ne lui appartenait pas. Il ne pourrait jamais porter la main sur lui.
Ne pourriez vous pas me déclarer mort ? Je peux contrefaire la mort. J’ai été mort en un sens déjà. J’accuse à peine une semaine d’existence ! Saul était à bout. Ce n’était pas un vide pas davantage un mur, c’était une défection forcée de sa personne fut elle neuve qui se présentait à lui. Une seconde mort intérieure en somme. Il vit son arbre abattu et il saigna. Son coeur, sa poitrine, ses jambages tremblaient. Il détestait ce père qui par amour pour lui avait dû écrire des milliers de lettres, alertant les grandes puissances sur sa détresse et quémandant une petite attention. Ses poings avaient dû frapper à toutes les portes possibles, et ne jamais reculer face aux innombrables refus, sa voix se briser d’émotion devant toute éminence mise en sa présence. L’un d’eux certainement agacé ou sûr de sa grande puissance avait répondu à son appel et lancé la grosse machine à la recherche de ce fils perdu, quitte à dévider les tombes. Perdu comme cette masse qui déambulait actuellement sur tous les territoires dévastés, et qu’on appelait les déplacés.
Votre frère est mort, il le sait et il vous attend. Nous sommes dans une impasse.
Mon frère ?
Jumeau, Roberto ». Oui Roberto, c’est donc lui qui courait à ses côtés et qui avait dû mourir sous le feu de l'ennemi, déchiqueté. Étrangement cet aveu ne l’assomma pas. Ce prénom allait s’ajouter aux autres. Son identité s’achevait sur cette sinistre note qui néanmoins le soulageait, car elle lui donnait une réponse sur la question qui le tourmentait. Celle de l’amour dont il savait qu’il l’avait éprouvée pour ce frère qui avait dû partager tous ses jours. Amour fraternel certes, mais amour quand même. Il ferma les yeux pour tenter de retrouver et de reconstituer dans les méandres clos de sa mémoire une image plausible de Roberto. Il cherchait à entrevoir ce visage semblable au sien en train de rire peut être en sa compagnie. Étrangement il ne ressentait pas ce vide, cette amputation pu défragmentation de son double en dépit de ce que la nuit pourtant lui renvoyait. Serenov le laissa dans cette émouvante méditation, la main toujours au dessous de son menton. Il réfléchissait.
Je pense que nous devrions remettre à plus tard cet entretien. Nous avons tous deux à réfléchir et vous à engranger et digérer ces nouvelles décisives. Je suis désolé que celles-ci vous accablent. Si je puis me permettre seulement de vous suggérer d’aller voir votre amie et de nous revoir au mieux demain matin ».

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Message par Izo Sam 5 Aoû 2017 - 17:50

Saul peina à sortir de ses pensées. Il était abruti de fatigue et opina machinalement de la tête. Ce docteur savait y faire. Il n’avait pas feint de se tromper en évoquant son père. Tout était calculé et plutôt mené avec finesse finalement. Il sourit. Serenov lui rendit un sourire compatissant et amical. La main enfin quitta son fief pour inviter celle de Saul à se joindre à elle. Une douce chaleur se répandit de l’un à l’autre par leur biais.
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Message par Izo Sam 5 Aoû 2017 - 17:51

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Message par Izo Dim 6 Aoû 2017 - 12:53

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Message par Izo Mar 8 Aoû 2017 - 23:48


« Que faire ? » était sa question qui le posait démuni, nulle part. Elle l’abandonnait en suspension dans un presque vide oppressant, entre ici et là, une région médiane, indéterminée, à tout à fait nier sa frêle existence. L’arbre qu’il était sentait qu’on abaissait le ciel pour le rabaisser et le plonger vers des racines dont il n’avait que faire. Il ne lui semblait pas indispensable de sentir ses pieds fouler un quelconque terreau pour être et évoluer. Il voulait les utiliser pour lui seul et à sa guise. Il regarda avec envie Anna qui cheminait à sa mesure, vers ce point crucial de son existence qui dépassé, assainit tout le reste et invite au voyage. Le sien propre en l’occurrence. Les yeux enchaînés jusqu'alors sur les ténèbres s’étaient levés pour les river sur un éclat persistant que Saul avait seulement mis à jour par le biais de ses mots seuls. Elle avait levé les yeux hélas non sur lui mais sur Elias envers qui semblait battre maintenant la petite veine bleue sur son cou tout blanc. Il vit Sonia et Micha liés qui s’aventuraient déjà un peu au delà de lui, ayant franchi le rubicon pour y trouver pour sa plus grande joie, Cupidon. Il perçut alors la puissance de son passage parmi eux, fut il bref. En l’espace d’une semaine à peine, il avait réussi, sans le chercher, à modifier leurs visions sur eux mêmes et avait contribué à ce qu’ils envisagent le temps comme une donnée à exploiter telle une mine d’or. Ils paraissaient tous s’en emparer désormais, suivant ce précieux filon pour l’orienter en leur faveur. Lui, personnifiait l’exception. La courbe du temps implacable le ployait vers le passé. Un passé qui puait le cadavre qu’il incarnait. Extrait mourant de la neige, il était malgré lui condamné à porter pour toujours le cadavre de son frère jumeau et ceux des enfants qu’ils demeuraient dans l’esprit de ce père qui le rappelait à lui.


«  Ainsi tu es un petit espagnol, un de ces ninos de la Guerra, accueillis ici par milliers. Quel engouement vous aviez suscité dans tout le pays. Je m’en souviens bien, de vrais petits martyrs transformés en véritables petits rois. » s’exclama Micha avec nostalgie.
« Nous ne vivions que par vous, Ca a duré bien deux à trois à quatre années. C’était en 1936 jusqu’en 1939. Je m’en rappelle plus trop bien. Des enfants évacués de Madrid, de Barcelone par navires entiers chargés à bloc, débarqués comme des héros avec leurs minuscules poings levés en chantant l’internationale. Ils étaient ensuite logés dans des châteaux et traités aux petits oignons. Toutes les précautions étaient prises pour effacer de leurs petites têtes le bruit des bombardements, la faim et surtout le traumatisme de la séparation d’avec les parents. Ils furent ainsi choyés jusqu’à l’opération Barbarossa en juin 41. Après quoi, leur sort vira pour certains dans l’oubli et pour d’autres définitivement dans l’enfer. »
Les mains sur les oreilles, Saul ne voulut pas en savoir davantage il le conjura de ne plus rien dire et le supplia de l’aider à discerner dans l’impasse qu’on lui présentait une issue de secours. Il était prêt à accepter n’importe quel recoin. Perdu il n’avait rien de plus à perdre. Son désarroi augmentait d’heure en heure. Il faillit se lever et partir.
« Je comprends mieux, ton petit accent m’intriguait. » Ajouta Micha. Quel accent ? Sa bouche le trahissait aussi ? Saul en resta coi. Son physique devait également détonner avec le type russe ! Sonia percevant son trouble tenta de le rassurer en invoquant l’étendue du territoire. Que peut avoir de commun un moscovite avec un cosaque ? Oui, Saul n’avait pas le trait dur ni les lèvres épaisses et pas davantage les yeux gris mais il restait beau et ressemblait à un arménien pur et pouvait donc se prétendre russe sans problème. Quant à la langue, le pays socialiste supportait autant de dialectes que d’individus aussi pouvait il se tranquilliser. Après quoi elle proposa du café et demanda à Micha de voir s’il n’avait pas dans ses connaissances un type capable de trafiquer les papiers d’identité. Une fugue pourrait tout à fait s’envisager, cependant le temps allait manquer car les autorités quand elles ont reçu un ordre le prennent pour argent comptant et évitent généralement de tarder.

Comment compresser le temps ? Saul sourit car son questionnement évoluait l’air de rien, passant du sujet à la manière tout en changeant d’angle. L’absolu que sous tendait son « que faire » se logeait maintenant dans cette dimension resserrée, peu élastique, dont la tension lui était étrangère. Ce fut Elias qui eut une idée saugrenue. Il suffisait de se faire porter pâle. N’était il pas dans un hôpital ? Il fallait que le mal soit important au point d’exiger un isolement complet et d’interdire tout déplacement. Tous en convenaient. Les yeux d’Elias soudain brillèrent renforçant leur l'éclat et leur touchante beauté, il scanda vainqueur ces trois voyelles : « scarlatine  ! ». Bien que séduisante sa proposition manquait de réalisme sans compter qu’il fallait s’abstenir de mettre en danger le patient. C’est alors que Saul songeant à sa récente baignade dans le Don proposa la pneumonie. Cette solution audacieuse semblait la plus vraisemblable et logique. Il se revit dans l’eau glacée et supposa qu’il aurait très bien pu tomber malade et donc souffrir le martyr avec son flanc déjà douloureux. Cet état aurait certainement conduit Serenov à le rapatrier dans l’aile droite pour le soigner. C’est alors qu’il se souvint qu’ils avaient convenu de se revoir le lendemain. Aurait il le courage de lui en parler ? Il devait maintenant prendre ses précautions et se méfier d’oreilles mal intentionnées susceptibles de corrompre son plan, ce dont il se sentait incapable car cette ingénuité qui l’habitait était bien enracinée dans son être. Il était ainsi, bonnement bon à vouloir colorer le Monde et parer tous ses attributs de ses couleurs bienfaisantes et innocentes. Se méfier ne semblait pas résider dans ses cordes ni pouvoir se concrétiser dans ses agissements. Bien que touché par l’attitude généreuse de son docteur, il le sentait néanmoins froid et lisse, ne laissant rien voir de lui. Il se ravisa soudain quand il se rappela avec émotion l’emploi de son nom quand il s’était adressé à lui. Il continua à penser encore et ses pensées ourlaient en lui comme une vague sans cesse recommencée sans avancement probant pour lui même. Il lui fallait pourtant faire vite désormais.

Pendant que Saul se sondait Anna avait suivi Sonia dans sa cuisine, Micha et Elias restant à ses côtés comme des vigies. Tout recroquevillé qu’il était, il n’avait même pas perçu son absence, ce qui le navra. Son affection pour elle était réelle et le fondait en quelque sorte. Ne plus la sentir était un aveu d’un ébranlement intérieur fort. Il reconnût et avoua donc sa peur, celle de se perdre et de la perdre aussi. Ce qui l’angoissa d’autant car il était parvenu au point où il ne fallait pas faillir. Son arbre était un roc et sa pensée un soc. Ils étaient ses piliers pour vivre.
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Message par Izo Dim 13 Aoû 2017 - 10:44

Anna revint un mouchoir sous les yeux. Derrière elle, Sonia en faisait autant. L’âme slave se mouvait devant lui toute faite de vibrations subtiles et secrètes, d’exubérance contrôlée. Les deux femmes s’embrassèrent émues et soudain rirent de bon coeur. Jadis inertes, l’esprit perclus de souvenirs douloureux, les voila qui se fendaient d’un sourire et donnaient à leur cage thoracique un mouvement inédit, libérateur. Elles illuminaient enfin. Micha les contempla satisfait lui aussi d’être un témoin direct de cette belle métamorphose.

Soudain Anna parla. Elle le fit sans s’arrêter comme si sa parole la liait à un flux vital. Elle se tourna vers Saul et lui dit vouloir tout faire pour que son plan réussisse car depuis leurs premiers contacts elle se sentait revivre et s’ouvrir comme une fleur. Cette comparaison enfantine la fit sourire et Saul découvrit et savoura l’éclat nouveau et étincelant de son visage. Il appréciât aussi la voix qui gagnait en douceur et en limpidité. Elle n’avançait plus comme un soldat sur la défensive. Elle parlait normalement désormais. Cela dit, elle déclara vouloir à nouveau s’allier à la musique. Et pour confirmer cette intention leva ses mains devant Saul pour lui montrer combien elles vivaient encore prêtes à relever le défi de sa vie. Un sanglot l’envahit à lui couper le souffle. Elle peina à se ressaisir. Sonia vint à son secours et l’embrassa sur la joue. Le courage revint à la charge plus conquérant encore. Donc ses doigts allaient parcourir et dompter le clavier. Repousser ses propres limites aussi loin que possible était son vœu et souhaitait exprimer à son tour tout ce qu’elle avait au dedans d’elle au moyen de la musique. L’idée de composer une pièce musicale lui allait bien. Elle n’atteindrait jamais l’apothéose de l’adieu du Chant de la Terre de Gustav Mahler mais elle voulait bien essayer de l’approcher. » Rebruiter » le Monde était son intention. Plus que les quatre éléments, elle en voulait cinq à cause des cinq chiffres tatoués sur son bras. L’élément manquant devait se situer selon elle dans les sphères spirituelles qu’elle souhaiter parer de mille sons. Assaillie par cette idée, elle ne dormait plus, mais qu’importait cette insomnie puisque végéter n’était plus de son fait. Créer une chaîne sonore illimitée à la manière d’un cri infini pour unir chacun de nous était son ambition. Elle pleura encore sous le regard surpris d’Elias qui ne pouvait s’empêcher de pleurer aussi. Saul étouffait, cette grâce le submergeait. C’en était trop. Une force inouïe se déploya en lui le conduisant à un sentiment d’existence extrême. Il se sentit gémir comme son arbre tout à l’heure. Il se leva et annonça qu’il devait se retirer pour réfléchir sur tout cela au calme. Il leur dit ceci qui sorti de sa bouche produisit une explosion d’allégresse. Il leur signifiât en effet sa tendresse illimitée et sortit sans demander son reste.









Chapitre 7

Une fois seul, dehors, il respira fort. L’air chaud de la petite ville le fouetta. Il décida de s’offrir sur le champ un nouveau bain. Déterminé, il fonça droit sur le Don et parvenu sur la rive vérifia si aucun promeneur ou pêcheur ne s’y trouvait et se dévêtit intégralement. Il ne craignait plus la pneumonie allant jusqu’à la désirer ardemment et donc la provoquer. Ce qui était un comble car pour se sauver il devait une fois de plus porter atteinte à son intégrité physique. Débarrassé de ses vêtements, il passa ses mains sur son flanc et laissa ses doigts voyager tout le long de sa cicatrice qui lui barrait son flanc en zigzag. Les bourrelets étaient douloureux. Cette longue blessure n’avait visiblement pas été soignée comme il faut offrant d’effrayantes irrégularités tant sa couleur incarnât tranchait nettement avec la pâleur générale de son tronc. Ses irrégularités touchaient jusqu'au grain même de la peau qui présentait un aspect granuleux avec de forts laids replis ça et là. Il essaya d’imaginer ce qui avait pu causer un tel carnage. Plusieurs hypothèses lui vinrent comme une incrustation d’éclats de mortier ou une rafale de mitraillette. Il supposa que Roberto avait été tué à cet instant et que des bouts de chair de son frère devaient encore nicher en lui. Las et tout tremblant, il descendit sans se presser vers le fleuve, dans ses ramures et ses remous poursuivant du plus qu’il put son périple à travers le cercle minéral et tourbillonnant. Il fit oindre son corps des parfums glacés du fleuve qui agité le submergeait de ses assauts de sorte qu’il se retrouva tout couvert de gouttelettes d’eau. Il nagea, fit un grand tour. Laissa l’eau l’envahir, l’avaler et d’un seul coup plongea sa tête dans ses ondées fraîches. Il cria tellement la morsure était forte. Ses dents s’entrechoquaient. Sa peau bleuit et rougit, s’insurgeait avec violence en d’impressionnantes secousses. Il résista, nagea encore et combattit l’impétueux fleuve. Exténué il décida de regagner le rivage. Fourbu, il s’y étendit, palpitant de respiration, à bout de souffle. Quand il ouvrit péniblement les yeux il surprit une silhouette se tenant en contre jour à quelques pas de lui qui l’observait.
« Il faut être fou pour se baigner à cette heure par ce froid ! » La voix était juvénile et connue, pour cause c’était celle d’Andrei.

Pris au dépourvu Saul voulu dissimuler son corps nu à sa vue. Mais engourdi par le froid ses bras refusèrent de lui obéir aussi rapidement qu’il aurait voulu. Andrei fit un geste rapide de la main comme pour l’inviter de ne pas prendre cette peine inutile. La nudité ne l’effrayait pas. Il s’empressa en revanche de lui offrir un linge pour essuyer ce corps qui ne parvenait pas à réduire d’affreux tremblements. Il eut même l’audace de se rapprocher de lui pour le frictionner vivement. Saul apprécia retrouver cette douce chaleur reconquérir chaque parcelle de son corps mais regrettait un peu de voir s’envoler toute possibilité de contracter cette fameuse pneumonie. Andrei en adolescent curieux, tout en le frictionnant avec vigueur, lui demanda la raison de ce bain irraisonnable. Saul s’offrit de se présenter davantage, plus qu’il l’avait fait à l’occasion de leur première rencontre. Cet effort était considérable car les dents claquaient malgré lui et entrecoupaient chaque mot. Tout en récupérant ses vêtements pour se rhabiller il ajouta simplement aimer ce fleuve plus que tout. Andrei ne paru pas se contenter d’une si ridicule raison. Il était certes jeune mais pas au point de se laisser berner. Il osa se moquer de Saul qui décida donc de tout lui raconter quand soudain il se ravisa. Cette satanée méfiance à laquelle il lui faudrait s’habituer lui recommandait toute attitude prudente. Ce qui fit rire Andrei « quel homme bizarre tu fais, tu me crains plus que le fleuve !  »
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Message par Izo Lun 14 Aoû 2017 - 23:35

Anna éprouva une joie immense à sa vue et se précipita dans ses bras manquant de le basculer à terre. Elle enfouit son visage contre lui. Saul étonné par cet élan d’affection la serra fort. Il ressentit une belle fermeté se dégager ce jeune corps qui avant hier encore se rétrécissait et se voûtait au moindre contact.
«  Ne te voyant pas, nous avons pensé au pire.
Au pire ?
Oui tes derniers mots ressemblaient tellement à un adieu que j’ai pensé que tu voulais mettre fin à tes jours. J’y ai peu accordé de crédit car ce geste désespéré n’a rien à voir avec toi qui es si pur, si imbu de vie, mais nous avons préféré vérifier par nous même.
Je m’aime trop pour attenter à mes jours, non ?
Oui mais ce bain ?
Il a sa logique. Il me rattache à la Terre, nageant je sens les eaux à la fois calmes et courroucées me conter l’ordre universel du vivant. Leurs histoires s’enroulent autour de moi et me rassurent. J’en besoin de cette musique, de ce contrat primordial car leurs puissances m’envahissent et crois moi elles vont m’être particulièrement utiles les prochaines heures. Tu devrais essayer proposa-t-il joyeusement.
Votre ami est fou en effet osa interférer Andrei trop heureux d’approcher une si belle créature, certes menue et craintive mais possédant des yeux de feu dont les éclats le faisaient intérieurement frémir.
Mon ami est fou vous avez tout à fait raison, de cette belle folie que nous n’avons plus et qu’il nous faudrait bien retrouver. Mais il est imprudent aussi ! Et ça, je ne le lui pardonne pas.
Elias qui avait accompagné Anna s’approcha d’Andrei et le salua. Les deux garçons s’observèrent. Ce fut Andrei qui le reconnut, l’ayant fut flâner à de nombreuses reprises autour du café de la place.
C’est bien moi confirma Elias, je demeure là bas. Je travaille à côté, à la bibliothèque comme relieur.
Tu dois connaitre Vera alors ? Demanda spontanément Saul enchanté de cette coïncidence.
Oui, c’est ma patronne
C’est elle qui m’a donné un livre sans me connaître et sans rien me demander en échange par la suite !
Cette attitude ne me surprends pas. Elle est dure et douce à la fois, donc salve ! répondit Elias en riant. Elle connaît mon histoire et s’est prise d’amitié pour moi. Actuellement nous réaménageons la bibliothèque qui a beaucoup souffert et qui possède pourtant une belle collection d’ouvrages rares, un lègue parait il d’un auteur qui est passé par là, un certain Tchernychevski.
Ce nom ne manqua pas son effet laissant Saul dans un trouble étrange. Il en resta muet d’émotion tant il concluait que les deux seuls livres à sa possession avaient à voir avec sa vie tel un commentaire à la sienne ou mieux, un contrepoint musical.

La petite troupe marcha ainsi en conversant comme de vieux amis. Saul avait froid et se gardait de s’en plaindre. C’est empreint d’une émotion toute neuve dont il peina à contenir l’expression, qu’il constata que sa paume enserrait celle d’Anna. Du coup, une douce chaleur se répandait par ce point d'entrée pour le réchauffer promptement. Il regarda Elias sans à priori et animosité et appréciât la personne qu’il offrait. Lui aussi se transformait. Il gagnait en jeunesse et en légèreté. Ses traits perdaient cette dureté tranchante et ses mouvements s’arrondissaient et se déliaient. Son dos voûté n’était plus qu’un détail insignifiant qui ne le stigmatisait plus. Saul l’écouta narrer les secrets de la reliure. Cette activité en plus d’être associée au livre, résonnait positivement en lui et figurait tout ce qu’il faisait depuis qu’il s’était fait arbre. Il se présentait en effet au Monde en quelque sorte à l’image d’un relieur, à tisser des liens entre les hommes et à sans cesse remettre l’ouvrage sur le métier. A sa mesure, Il écrivait le livre du Monde et chassait dans tout système les ponts et passerelles pour les tracer sur son propre planisphère.

La journée touchait à sa fin, le soleil sombrait laissant une traînée violacée dans le ciel qui s'incrusta sur les murs des maisons qu’ils longeaient, leur conférant un éclat mauve qui leur donnèrent l’impression de se mouvoir au coeur d’une rose. C’était féerique. Ce scintillement mat et bref tut en eux les mots futiles. Ils se sentaient bien. Sans un mot donc, Ils se saluèrent et se séparèrent. Elias suivit Andrei et Anna, Saul, sa main dans la sienne,
« l’aimé avec l’aimée,
l’aimée en l’aimé transformé ».

Ce vers curieux lui revenait sorti de ses limbes où dormait Joachim.
« A l’obscur et sûre
par le secret escalier déguisé
oh l’heureuse fortune,
à l’obscur et sûre,
ma maison déjà étant en repos ».

Il voulu courir après Elias pour le rattraper et lui demander le sens de ce poème et peut être enfin connaître l’auteur. Mais la main était sûre elle aussi et n’osait quitter ce nid chaud. C’est alors qu’il se tourna vers Anna, lui récita le poème du moins ses petits fragments revenus en lui en russe d’abord et étonnamment en espagnol en suivant. Son coeur cognait fort dans sa poitrine au point de déchirer ses flancs. Il se plia presque de douleur. Anna inquiète le scrutait stupéfaite. Il la rassura sur le champ trop heureux de noter la délicatesse de Joachim à son égard, prenant soin de lui remonter d’aussi magnifiques choses. C’était évident, Joachim lui chantait l’amour. Il songea que c’était une résultante de ce couchant avec ses lumières diffuses qui le transperçaient de toutes parts. Il songea aussi qu’un rayon venu des ténèbres cherchait à percer à la surface de lui sans intentions méchantes, mais plutôt avec bienveillance. Son coeur s’ouvrait. Sans nier la dure réalité, il disait non à l’absurdité de la vie et lui indiquait que sa perception incongrue des êtres et des choses n’était pas un mensonge ou une illusion mais un fait qui devait s’éprouver et évoluer en un sentiment fort conducteur de toute sa vie à vivre. Il reprit foi et empoignât plus fort encore les mains d’Anna au risque de les broyer. Elle ne cria pas, bien au contraire, de son côté elle sentait sa musique mugir en elle. Un prologue naissait.
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Message par Izo Lun 14 Aoû 2017 - 23:36


Elle le conjura de la laisser aller seule. Il accepta. Ils se quittèrent leurs mains se dénouant. Elle lui promit de penser à lui demain matin. Il la remercia et s’en alla regagner sa chambre en trombe tellement il était épuisé. Ce soir il ne mangerait pas, la carpe nageant délicieusement encore en lui. Arrivé chez lui, il ouvrit la fenêtre pour contempler son immense thuya. Son ombre se déployait en pointe vers le ciel déjà noir et semblait prier. Rassuré, il s’étendit sur le lit et se laissa prendre par le sommeil. Demain ferait un autre jour.

On tambourinait à sa porte. Ces coups répétés le ramenèrent brutalement à la réalité. Ses yeux lourds eurent du mal à s’ouvrir et les coups ne cessaient pourtant pas. Il ne rêvait pas. La panique le souleva du lit persuadé qu’on venait le chercher. Assis il se demanda que faire, agacé d’avoir à nouveau affaire à cette terrible question. Plus un geste, faire le mort était la solution. Les autres de l’autre côté comprendraient que la chambre est vide et s’en iraient, à moins qu’ils défoncent la porte. Cette feinte ne résolvait rien, au mieux, elle lui faisait gagner quelques heures, sans doute très désagréables à vivre tant l’angoisse lui asséchait la bouche et transformait son corps en un continuel tambour battant. Il ressentit un léger vertige, rester immobile l’incommodait, la chambre l’enserrait chaque minute. La peur le diminuait et rendait les autres plus grands qu’ils ne l’étaient. Il se trouvait emprisonné de toutes parts, ici et dans sa tête qui tournait toute idée vaine dans un vide éprouvant. Il lui était impossible de s’extraire de cette situation, aucune issue plausible se signalait, se trouvant dans l’incapacité de sortir du champ restreint du temps et de l’espace. Derrière la porte on ne lâchait pas l’affaire bien au contraire. Des jurons s’élevaient maintenant : « nom de nom, il va ouvrir à la fin ? » La fin oui, était là. On allait se saisir de lui chassant ses supplications d’un coup de crosse peut être et le jeter dans une voiture comme un mal propre pour une destinée sur laquelle il n’aurait plus aucune maîtrise. « C’est quoi son nom déjà ? Tilleul ? Non Saul, allez Saul ouvre, c’est moi Constantin … ». Il se leva, chancela et répondit à conte coeur un « voilà voilà, j’arrive » se donnant l’illusion de grappiller quelques précieuses minutes de plus. C’est sur Constantin que s’ouvrit la porte.

Il feignit la surprise pour ne pas susciter quelques soupçons inappropriés. La prudence exigeait une maîtrise de soi qu’il sentait incapable de livrer à cet instant précis. Il n’eut pas le temps de réagir car ledit Constantin entamait déjà la conversation.
« Tu es malade ? Je te dérange ? 
Non, non entre donc, je dormais seulement
Quelle chance ! Je ne dors plus guère maintenant, c’est mon nouvel enfer.
Que me veux tu ? Fit Saul qui se rappela devoir jouer la course contre le temps.
Oui tu as raison, venons en à ma raison de ma venue ici. Je crois savoir que tu me remets. Je vais être direct, tu vas vite comprendre. Je suis Constantin Agozin, juif de mon état, rescapé du camp de Majdanek ouvert à tout type de dépravés tels que les définissaient les SS. Je cumulais d’être et juif et politiquement divergent. Deux bonnes raisons pour me bloquer à mort dans leur Konzentration lager. Avant j’étais banquier et possédais une belle fortune amassée avec soin et patience. Juste avant mon arrestation, j’ai pu la mettre en sûreté en la cachant bien comme il faut tu peux me croire. Mon bon flair m’a bien aidé sur ce coup. Tu peux donc conclure que je ne suis pas ruiné. J’ai récupéré mon bien dans son intégralité il y a peu. Je te passe les détails, ils ne sont pas forcément jolis. Ne me vois-tu pas venir ?

Ce flot ininterrompu de paroles eut un effet calmant immédiat. Saul se détendit observant avec attention son hôte surprise. Celui-ci de petite taille agitait mains et pieds tandis qu’il parlait. Son tempérament nerveux devait en agacer plus d’un sauf Saul qui prit plaisir à écouter son histoire qui se finissait bien : argent préservé, vie sauve. Sans forfanterie, Constantin aborda le motif précis de sa visite impromptue. Elle était celle-ci, « Tiens-toi bien Saul. » Constantin voulait servir d’impresario et devenir l’agent artistique d’Anna Eyquemski. Il ambitionnait d’organiser des concerts dans tout l’URSS afin de mettre en évidence les talents d’Anna dont il n’avait aucun doute puisqu’une nuit, il l’avait entendue jouer le nocturne numéro 20 de Chopin. Véridique ! Il ne dormait pas encore et tournait en rond dans sa chambre aux dimensions semblables à celle ci. Il se cognait aux quatre coins. L’espace n’étant pas assez grand pour son insomnie, Il avait décidé d’aller flâner à gauche et à droite. C’est alors que son oreille valide fut tirée de son ennui par des notes de musique qui matérialisèrent pour elle un délicieux chemin de halage. « J’étais Ulysse sur son mât ! » trop heureux de se laisser entraîner par cette mélodie envoûtante et sans lui résister, elle le mena devant une porte close, derrière laquelle se trouvait peut être le démon ou bien un angelot. Désireux, de voir à quoi ressemble un être capable de tels prodiges, il trouva le courage nécessaire pour ouvrir la porte qui céda facilement. Dedans, tout était dans la pénombre, accentuant la prégnance du jeu sur lui. Plissant ses yeux pour percer cette obscurité oppressante, il réussit à apercevoir ce qu’il ne pensait pas voir là. Et pourtant, c’était elle, Anna Eyquemski en personne. Elle d’habitude si enfermée sur ses replis, si menue, se tenait carrément debout devant le piano, le corps ample et délié, les épaules arc boutées sur le clavier avec dans leur prolongement des mains fines et agiles qui ondulaient, dansaient comme un diablotin sur les touches boites et blanches. Elle incendiait tout sous le feu des notes qu’elle produisait, elle s’évaporait en elles. Il n’y avait pas Anna jouant du piano, mais une nuées de notes qui s’envolaient d’elles pour l’enrouler et voler vers lui le touchant profondément, presque dangereusement.

Ses yeux devenaient superflus, l’obscurité se justifiait, il les tint fermés tout tendu vers ces accords subtils qu’il savourait jusqu’à la lie. En fin connaisseur, il avait repéré la douceur et la puissance du jeu, fut-il imparfait en raison d’une pratique à l’évidence absente et d’une grande émotion dont il pressentait les traits. Mais le rendu général sublimait tout et promettait de belles performances. Déjà le torrent musical jailli sous ses doigts lui avait envoyé une bourrasque fatale. Il chialait comme un gamin et se gardait toutefois de retenir ces larmes tièdes qui se frayaient un chemin chaotique sur ses pauvres joues aigries peu habituées à pareil élan émotionnel. Il n’avait même pas pleuré pour les siens et le voila qui sanglotait en présence d’une inconnue. Il pleurait car il se sentait disparaitre. Ses larmes se déversaient sur tout son visage sans pouvoir s’arrêter le transformant en un puit des Danaïdes. La musique cruellement, poursuivait son parfait et savoureux carnage, le traversant et le palpant et chaque palpation était une torture car elle le renversait point par point. II vibrait comme les cordes du piano. Les ondes reçues s’entremêlaient à celles qui dormaient en lui et leur éveil brutal lui causait une grande souffrance. Cet effet perdurait. Constantin respirait avec peine tandis qu’il racontait cette rencontre, ce choc, comme si les pincements duraient encore en lui, lui faisant saigner du coeur. Il reprit enfin son souffle et laissa l’homme d’affaire gérer la suite du récit.

Ce potentiel selon lui ne pouvait plus demeurer dans l’ombre et devait éclater au grand jour. Perturbé, et sans la déranger, il avait délicatement refermé la porte, se calant contre elle pour recevoir encore par son entremise, cette délicieuse onde de choc. Regagnant sa chambre, le sommeil tant espéré lui était revenu. Au réveil il savait ce qu’il devait faire. Il avait bien réfléchi. Aussi reconnaissant la force de persuasion de Saul, il lui demandait tout simplement d’interférer en sa faveur auprès d’Anna pour la convaincre du bien fondé de son offre.
Quel est le Lien avec l’argent dont tu me parlais au début ?
C’est le désintérêt mon cher Saul. Qui eut cru ceci possible chez moi ? Je ne veux pas gagner de l’argent sur son dos. Tu comprends. Cette fille est sublime elle a de l’or au bout des doigts. L’or j’en dispose déjà sur un compte en banque bien fourni. Écoute, j’ai perdu toute ma famille dans les camps. Je ne suis riche que de cette fortune que j’ai pu sauver alors que je me suis montré incapable de sauver tous les miens que je n’ai même pas eu l’outrecuidance de pleurer. Dans une certaine mesure je suis riche de rien, pauvre et esseulé, voire vide, je voudrais donc utiliser cet argent à bon escient. C’est à dire, le mettre à disposition d’un être d’exception et méritant. Je reste malgré tout banquier dit il en riant. De plus ajouta t il, ce projet me stimule et me motive. Je crois fermement en cette magnifique formule de Seneque qui proclame que « la vie, ce n’est pas attendre que les orages passent. C’est apprendre à danser sous la pluie ». Cet adage m’a bien soutenu dans les camps et a fait mon carburant, aussi je suis maintenant prêt à danser avec Anna ! Ces deux excellentes raisons suffisent à ma présente démonstration, non ?

Saul ne sut quoi dire. Anna occupait différemment ses pensées. Ces dernières n’avaient de but qu’elle seule, c’est à dire son bien être. La musique lui était jusqu’à présent apparue comme un moyen d’aider à atteindre un état de félicité passager, non comme une fin. La création s’inscrivait ainsi dans un processus d’auto création. Pour ce faire, elle avait besoin d’un carburant. La musique y répondait favorablement. Elle incarnait tout à fait cette matière inflammable nécessaire à sa combustion. Elle avait failli l’incendier, elle avait survécu, il lui appartenait désormais de reprendre le flambeau et de dompter la flamme traîtresse pour son salut. Manier le feu allait participer à la sculpter par la même occasion et contribuer à son envol dans la vie. C’est ainsi qu’il envisageait la subtilité du lien avec la musique, pas autrement. Faire carrière n’était pas dans son plan. Cependant il était ravi d’apprendre qu’elle s’était remise au piano. Il l’ imagina vulnérable osant à peine s’assoir, au point de demeurer debout, devant cet instrument noir, de cette noirceur qui avait dès lors recouvert son propre avenir, la conduisant aux portes même de l’enfer. Comment à t elle pu, à nouveau soulever pareil linceul et se laisser ensorceler par lui ?
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Projet littéraire : la fabuleuse aventure de Saul Cèdre.  - Page 2 Empty Re: Projet littéraire : la fabuleuse aventure de Saul Cèdre.

Message par Izo Mar 15 Aoû 2017 - 23:28


Il éprouvait le besoin d’être tranquille pour y voir clair. Il fallait avant tout se débarrasser de Constantin, considérant son propos déplacé et hors sujet pour le moment. Dommage qu’il ait été si petit et plus âgé que lui, il aurait pu prétendre être le fils prodigue et obtenir le ticket pour Paris. Cette idée venue insidieusement à lui, de façon si crue, lui plut. Elle glissa tout le long de son dos pour le faire fléchir de joie. Il venait de trouver une piste. Si lui ne voulait partir pour rejoindre ce père sorti des oubliettes il pourrait allègrement se faire remplacer, si tant est, il obtint la collaboration de Serenov, s’y employant demain, et s’ il se trouva quelqu’un qui lui ressembla à peu près. Allait il risquer pareille offre auprès de Constantin ? Il semblait avoir le bras long après tout. L’air de rien il avait réussi à se poster derrière sa porte seulement muni de minuscules indices. Il se tordit les mains d’indécision. Constantin, fin observateur lui demanda ce qui n’allait pas. Saul sauta le pas. Il présenta la seule chaise qu’il avait et l’installa tandis qu’il s’assit sur son lit « Écoute bien, écoute bien. »

En quelques phrases, le coeur battant la chamade, il raconta son amnésie brutale, son réveil tout aussi brumeux et surtout ses récents déboires avec ce père qui avait battu la campagne pour le retrouver. Son départ était imminent et le laissait désemparé, car il n’était pas dans ses intentions de partir d’ici. Bien au contraire, cet endroit, commença t il était son berceau dont il ne pouvait se passer , pour étayer son propos et lui donner de l’étoffe, il se dirigea vers la fenêtre grande ouverte sur son thuya, qu’il désigna comme un tuteur indéfectible. De la même manière il n’éprouvait pas le besoin d’aller à la recherche de cet autre qu’il avait été jadis avant. Il ne sentait pas d’absences à combler, ou de vides à remplir. Même Roberto son défunt frère jumeau, ne parvenait pas à le poser sur le bord d’un précipice pour le faire flancher. Il n’était pas déchiré, mais étonnamment plein. Aucune larme lui venait quand il songeait à tout cela. La stupéfaction se lisait sur le visage de Constantin qui s’était attendu à tout sauf à ce revirement incongru qui mettait de côté sans ménagement son plan initial. Saul répondait tout bonnement à côté. Deux droites parallèles ne se rencontrent jamais. C’est ce qu’il crut deviner. Toutefois un point d’entente était nécessaire. En homme pragmatique, il demanda plus de précisons sur ce qu’il comptait faire et notamment le temps dont il disposait avant son supposé départ. Saul répliqua qu’il n’en savait rien et évoqua l’idée d’Elias avec la maladie pour gagner du temps. Constantin acquiesça, elle lui paraissait judicieuse. Savait il au moins ce qu’il encourait s’il était démasqué ? Pouvait il se moquer de cet autre fleuve qui incarnait le mal aux yeux de tous ? Saul ne comprit pas l’illusion. « La kolyma mon cher ami, la Kolyma ! ».

Il n’avait pas envisagé ce funeste dénouement pour la simple et bonne raison que son horizon n’excédait pas un jour. Le temps était un luxe et il n’en disposait pas. De plus, toute chose était vue dans son extrême immédiateté, tout au moins pour ce qui le concernait. Par ailleurs, il lui était inconvenant, voire impossible de projeter sa personne dans le futur. Son temps se confinait au présent dont il restait otage. Se voir n’était pas encore dans ses habitudes. La survie seule comptait. Son désir de liberté ne semblait pas relever de la faute ou la fraude.
Il pressa Constantin de lui répondre . Celui-ci sondait l’entrelacs de ses relations pour repérer un type qui pourrait être intéressé par ce plan fou.
« L’ouest quand même ! » insista Saul. Oui l’Eldorado ! Un rideau de fer amorçait sa descente sur des territoires entiers pour définitivement les séparer. Le couteau stalinien se glissait dans les nervures de chacun pour les trancher net. Une occasion pareille de passer à l’Ouest n’allait pas se représenter de sitôt. Autant profiter du marasme actuel causé par toutes ces foules déplacées qui encombraient les routes et les camps provisoires. Constantin réfléchissait quand soudain il lâcha le nom de Roupen Matevos. Ce garçon était jeune, orphelin, brun forcément et las de l’Union soviétique. Il pourrait être intéressé. Il fallait voir. « Et quand ? » Demanda Saul qui senti monter un regain d’énergie. « Et si nous allions lui demander tout de suite ? » Proposa Constantin qui comprenait décidément vite.

Le pas de Constantin était vif et Saul eut bien du mal à le suivre trop embarrassé par toutes ses pensées loufoques qui le montraient malade et angoissé en attendant que le subterfuge se mette en place et s’exécute. Il se surprit au passage de constater qu’il était en train de se projeter. Préoccupé, il ne vit pas les accès, ni les couloirs qu’ils empruntaient. Constantin en tête figurait son aimant et lui se laissait traîner comme de la limaille de fer. Il se sentait incapable de rebrousser chemin. Bientôt une porte s’ouvrit devant eux et ils entrèrent dans une chambre sensiblement semblable à celle qu’occupait Saul. Machinalement il regarda du côté de la fenêtre qui était fermée, puis enfin leva les yeux vers le dénommé Roupen Matevos pour détailler son visage. Mince, presque émacié, le garçon indubitablement portait la griffe arménienne et offrait un visage fin presque beau qu’une cicatrice altérait cependant au dessous d’un œil. Ce détail pouvait tout compromettre, il n’empêchait toutefois pas de beaux yeux briller d’un feu éblouissant. Un autre détail allait compliquer l’affaire. Saul comprit vite que quelque chose clochait chez ce jeune homme. Depuis leur arrivée pas une seule parole n’avait été proférée et Roupen ne paraissait s’exprimer qu’au moyen de gestes grossiers difficiles à interpréter. Il était muet.

Il regarda Constantin à la dérobée qui se hâta de lui dire de patienter. Sans plus attendre il expliqua avec concision et justesse la raison de leur venue impromptue. Il n’échappa pas à Saul la sagacité dont pouvait être capable Constantin qui en vint rapidement à la proposition principale.

Docile, Roupen Matevos concéda tout. Était-ce par résignation, par crédulité ou confiance ? Il accéda à toutes les demandes en hochant ostensiblement de la tête aux moindres propositions. Aux moindres paroles, il s’agitait tout en regardant Saul les yeux luisants d’espoir. Il désirait partir c’était évident. Saul intrigué et mal à l’aise voulut savoir l’origine de ce mutisme. À cette question Roupen s’agita de plus belle et s’empara subitement d’un couteau qui par malchance traînait sur son lit. Constantin et Saul reculèrent d’effroi. Ils aillaient finir en pièces taillées. De la main libre le garçon fit un geste d’apaisement qu’il exagéra pour prouver sa bienveillance à leur égard. Tout aussi doucement, il ouvrit la bouche et passa la lame de son couteau sur une langue qu’il n’avait plus. Saul eut un haut le coeur et Constantin émit un ah de dégoût. Roupen se débarrassa rapidement du couteau et entreprit sans plus de préambule, de leur proposer un thé. Sans attendre une approbation de leur part, il fit chauffer de l’eau sur un réchaud improvisé. Il se saisit ensuite d’un carnet vert à spirales et d’un crayon à papier sortis comme par magie de sa poche de pantalon puis griffonna un message qu’il leur mit sous leur nez. Ils s’attendaient à devoir déchiffrer l’arménien, or c’est en russe qu’ils apprirent que c’était un commissaire soviétique qui lui avait coupé la langue. Il reprit son carnet et nota aussitôt qu’il était ravi de leur proposition car il tenait à quitter ce pays qui ne lui avait causé que du malheur et voilait partir vivre à New-York où l’attendait une tante. En deux phrases il mettait non seulement sa vie à ni, mais aussi en danger en qualité d’ennemi du peuple et comme traitre. Saul frémit, l’avertissement de Constantin lui revint à l’esprit « La Kolyma mon cher, la Kolyma ! », lugubrement appelée la « merveilleuse planète » ! Son projet était mort né. Faisant fi de ce qui se passait tout autour de lui, Il tenta de rentrer en lui pour examiner à froid tous les constituants amassés depuis peu et étudier leur chance de réussite. Physiquement Roupen lui correspondait à grands traits, c’est à dire quand même grossièrement. Ils étaient bruns tous les deux et sensiblement de la même taille. La physionomie du visage concordait pour peu qu’on ne sut pas les détails de chacun. Leurs nez pouvait facilement les démasquer ainsi que les yeux. Il se doutait que son père avaient en sa possession des clichés de lui et qu’il ne manquerait de s’y référer pour s’assurer d’avoir en face de lui la bonne personne. Le bon fils.

En lui même, il réfléchissait. Cette tromperie comportait d’énormes risques que l’amputation de la langue compliquait, sans compter sur le zèle les bureaux de renseignements qui ont d’ores et déjà du avec leur méticulosité légendaire amasser une mine d’informations compromettantes sur notre compère. A l’évidence son plan n’était pas viable. Écœuré il ressentit un vif besoin de fuir. Il lui fallait partir, quitter cette chambre parfumée au thé vert, ce couteau menaçant, cette langue tranchée, ce lourdaud de Constantin et surtout ce picotement qui l’assaillait de toute part le pressant de sortir de cette chambre morne. Demain, dans le vain espoir de convaincre son médecin, il tenterait de se faire porter pâle pour se donner le temps à la réflexion. Il se leva donc vivement, écartant de la main la tasse de thé qu’on lui offrait. Il sourit à Roupen pour ne pas le vexer et l’informa qu’il devait aller se reposer, que demain serait une journée clé car il rencontrait le docteur Senerov. À ces mots, Roupen prit son carnet et nota rapidement quelque chose. Piétinant d’impatience, Saul fit mine de partir, mais un bout de papier tendu devant lui entrava cette fuite. « Je suis également un patient de Serenov et il est de notre bord ». De notre bord ? Que signifiait cette assertion ? Que voulait il dire par là ? « Rassieds toi » fit Constantin, ta nuit ne fait que commencer.
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Message par Izo Ven 25 Aoû 2017 - 16:13

Le récit de Saul Cedre touche à sa fin, s'alignant sur près de 50 000 mots. Fini il devrait avoisiner les 55 000 mots soit environ 220 pages.
Je vais voir ce que je vais en faire.
Dans cette attente je ne le mets plus ici pour ne plus encombrer l'espace. Merci à tous ceux qui l'ont vu naître et qui ont marqué un intérêt à ses débuts.
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