N°1 Une sage déconvenue

La forêt était si belle que je pouvais m'imaginer y vivre.
Mais je dus renoncer à cette séduction.
J'en ramenais simplement chez moi
le sentiment d'avoir vécu un évènement fondateur.
La beauté ne peut être possédée:
on ne peut que lui rendre de temps à autre de timides petites visites.

Mmm. Le renoncement, le deuil. Pourquoi cette trop sage décision ?

A cause de raisons médicales !

Je n'ose imaginer et combler par mon effervescence inventive une réponse si laconique.

Ici, sur le plateau, vivre dans une forêt signifie mourir de froid.
Et puis il me faut ma caisse de pilules.

Il est presque acquis qu'avec la santé j'aurais fait moine.
Ça aurait été mon démenti au monde,
Ça aurait été ma façon de lui dire: "non, tu n'as rien compris".

Pour l'ascétisme ? Le minimalisme matériel afin de mieux ressentir ta nature spirituelle ? Ou bien au contraire astreindre ton corps pour en ressentir l'animalité, ses sensations : faim, silence et parler pour l'utile et servir la spiritualité ?

Le moine qui n'a pas sa cellule à l'intérieur ne l'est que de forme.

"Nous sommes les moines d'un couvent invisible" Yvon Leloup

Le moine à sa forêt où qu'il soit
La beauté ne s'effleure pas elle s'offre
Noli me tangere
À quoi peut servir un plateau plein de roses ?
"Un pétale du jardin des roses suffit
La fleur en quelques jours est morte
Vivant, vivant vivant le jardin restera "

On dirait Rûmi.

Hé presque ! La fin est du Saadi (Gulistan)

Ah ! J'ai de bons restes !

Sublime texte.
J'ai aimé les images, le thème de l'amour et de la fuite du temps. Celui qui rêve encore de la Vie.

De la vie vive ?

Je vais rosir

Offre toi ma jolie folie. Forme psychédélique aux ailes de soie. Les gens se sont endurcis et ils n'éprouvent plus rien que les machoires serrées.
Soyons fluides aux fluides abandonnés. Eau du fleuve, flocons du vent.
Bien sûr il faut être îvre et délié de tout.

Je rêvais de mourir à katmandou. J'ai connu cet âge de l'aventure ! On tendait des tissus pourpres aux murs. On croyait en une sagesse qui nous aurait absout des laideurs du monde, et on nous dit naïfs ! Mais là était un essentiel, une promesse et une
quête !

Je n'aurais pas dû vivre ! Intaillée dans du plomb, mais comment respires-tu mon âme ? Mes rêves me déchirent, j'agonise
aux portes du ciel. Malheur à moi qui ai vu Dieu dans sa bleueur !
Qu'est-ce qui me rattache encore à cette pierre de tourment sinon ce corps incliné sur sa propre poussière ?
Je refuse de haïr mais le souffle court, je refuse de couper le fil d'argent qui me tient à l'histoire et à la furie du monde !

Je veux m'arracher de tous mes socles !


Le riff, la phrase harmonico-rythmique était un langage codé qui dévoilait alors le secret de nos sens. Elle portait parole de nos silences ! Elle faisait l'annonce de nos émotions et les incarnait. Le rythme était saccadé comme le plaisir masculin et portait en outre des hymnes, hymnes d'une certaine fureur, d'une certaine réalité corporelle essentielle.


Alors la guitare savait receuillir à nos lèvres mues le cri latent. Le déchirement d'être un homme plus qu'un esprit.
la lourdeur, la densité, l'épaisseur de l'être s'arrachait ainsi à sa condition de pauvre ère égaré dans une chair qui lui désobéissait
et goutait quelque prophétique élan. la guitare avait pour nous le mot que nous avions sur la langue. ce que les générations des discours incessants ne peuvent, plus entendre.
Un pleur ornait nos pleurs, c'est à dire que le gémissement outrancier exprimait nos gémissements et nous pouvions faire confiance à ce cri pour être le porte-voix de nos douleurs !

La guitare comme nous se mourait d'une nostalgie indible et ses langueurs resemblaient à nos derniers soupirs:


Avoir un corps c'est être livré à toutes les brutalités, c'est être la proie d'un cosmos glacé et indifférent !
On ne s'y fait jamais. Il y a pour l'homme la consolation de la femme, mais de cet engloutissement il ne reste que des cendres humides. On ne peut rien construire sur le plaisir ! Hormis le vice.

"Hey Lord, give me strenth to carry on !"
Qui peut mieux dire ?
Tant de désespour n'a que Dieu comme vis à vis !

Viens mon amour, manamour. La vie file. Elle ne séparera de nous que l'exuvie de nos apparences, mais ton goût restera sur mes paumes.
Viens, ce soir îvres nous hanterons la rue de nos silences, glissés dans les ombres d'une ville mourante
nous cheminerons l'un vers l'autre.
Laisse-toi pleurer mon cœur, source vive privée d'un jardin.
Laisse-toi pleurer sur l'épaule du dieu,
quad la chair est si lasse, et si prégnante
qu'elle englue nos ailes et nous interdit, nous interdit nous interdit.
Inter-dire.

Quelle parole entre le ciel et moi le monde  a t-il glissé ?


N'était-ce pas extraordinairement dangereux de laisser de telles musiques entre les mains d'un enfant rêveur ?

Sommes nous condamnes à la tiédeur fata?
Devons nous renoncer aux espoirs d'une Vie de passions et d'intensité ?

Ce qui disait Sollers: "la société conspire" contre cela.
Elle conspire contre la vie intérieure.

Y suis-je ou non ?
Quel matin se lève à moi, Ô regard qui m'éperd !...

... Et les plaintes me paraîssaient comme un interminable silence, un silence de rouages.
On leur crierait: "Sortez de vous-même", on leur tendrait par millions des fleurs.
Simplement pour suspendre le flot de leurs larmes.

Que les lèvres éclosent sur un grand "oui". Un grand OUI. Une ouverture pleine et entière, par laquelle enfin quelques souffles s'en viendraient
et relèveraient les cœurs rompus !

Un Oui presque comme à la mort donné, un grand pas jeté vers le cien enfin, en direction du nid.